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Les expulsions locatives en hausse : « C’est avant tout un problème de loyers impayables »
#loyers #expulsions
Article mis en ligne le 21 mars 2024
dernière modification le 20 mars 2024

De plus en plus de personnes sont expulsées de leur logement par la police. Mais les mises à la rue ne sont jamais inéluctables. Le sociologue Camille François a étudié les étapes de la chaîne de l’expulsion, de l’endettement à la perte du domicile.

(...) Avec l’actualité législative autour de la loi Kasbarian-Bergé contre l’occupation illicite des logements, on a donné beaucoup la parole à des propriétaires, petits ou grands – puisqu’en fait, ce qu’est un petit propriétaire n’est pas véritablement défini. À l’inverse, on a très peu entendu les familles privées de logement, qui sont contraintes – parce qu’elles ne le font jamais de gaieté de cœur – de s’abriter des rigueurs de la rue, du froid, de la violence de l’espace public. Je ne sais pas si ces gens-là s’imaginent ce que ça veut dire de dormir dans la rue aujourd’hui. (...)

D’une part, les situations d’expulsion font l’objet d’un stigmate, notamment les situations d’expulsion pour dettes. Ne pas pouvoir payer son loyer peut impliquer un jugement de valeur ou l’expérience d’une honte de la part des familles ou des individus qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts. C’est la principale raison pour laquelle, je pense, il y a assez peu de mouvements sociaux ou d’organisations de locataires endettés. Politiser l’endettement et la spéculation sur le marché locatif, ça impliquerait de révéler qu’on a soi-même des dettes, ce qui a un coût moral.

L’autre raison, c’est qu’avec les expulsions locatives, on est face à une action de l’État qui arrive à produire sa propre invisibilité. L’action policière en matière d’expulsion, et plus généralement l’action étatique, vise à se rendre invisible, à ne pas laisser de traces. Les expulsions sont réalisées sous le régime du secret : la date précise n’est pas communiquée à la famille, elles se font souvent aux aurores, avant que le voisinage ne soit réveillé et puisse s’opposer collectivement à l’intervention des forces de l’ordre. (...)

En 2022, on a eu environ 17  500 familles mises à la rue par la police. Ce qui représente environ 38  000 individus. C’est un record historique. Nous connaissons en France une hausse très importante des expulsions depuis une vingtaine d’années. (...)

Cette augmentation du nombre d’interventions de la police, donc d’expulsions manu militari, a été beaucoup plus importante que le nombre de procès intentés par les propriétaires. (...)

Mais on voit 50 % de hausse des expulsions avec intervention de la police. Ce qui veut dire que s’il y a plus d’expulsions en France, ce n’est pas simplement la conséquence du fait qu’il y aurait davantage de dettes. C’est aussi que l’État s’est mis à expulser plus fréquemment et plus rapidement que par le passé. (...)

Il existe un ensemble de familles qui sont contraintes, par l’exercice d’une violence symbolique ou psychologique plutôt que physique, de quitter leur logement avant même l’arrivée des forces de l’ordre. Ce sont des familles qui sont passées par le tribunal, qui font l’objet d’une réquisition de la force publique, mais qui vont quitter les lieux avant même l’arrivée effective des forces de l’ordre. Ces familles sont délogées sans être expulsées. Or, la statistique publique ne compte pas ces familles comme étant expulsées (...)