
La FNSEA contrôle actuellement 95 % des chambres d’agriculture. Aux manettes, le syndicat majoritaire développe son pouvoir d’influence, au détriment de toute transparence.
Alors que se tiennent jusqu’au 31 janvier les élections des chambres d’agriculture, un chiffre interpelle : sur les 101 chambres d’agriculture, 97 sont aujourd’hui contrôlées par la FNSEA.
Comment expliquer cette mainmise ?
« Les chambres », comme on les appelle dans les campagnes, sont omniprésentes dans le quotidien de celles et ceux qui travaillent la terre. Elles instruisent les dossiers d’installation puis délivrent des conseils techniques au fil des années et des saisons, avant d’intervenir une dernière fois au moment de la transmission des fermes. Elles sont aussi des interlocutrices privilégiées des dirigeants politiques. D’où l’intérêt pour la FNSEA de les contrôler.
Certes, ce syndicat a davantage d’adhérents que ses adversaires, mais le mode de scrutin des élections le sur-favorisent. Via un système de « prime » pour le premier arrivé (comme nous vous le détaillons sur Basta !), la FNSEA se retrouve avec un nombre de sièges particulièrement élevé (...)
En plus des élu·es, le bureau – organe de direction des chambres – comprend des « membres associés », librement choisis par le Président, et quasi-tous encartés à la FNSEA. Ce manque de diversité syndicale a été épinglé par un rapport parlementaire en 2020, qui suggérait de revoir le mode de scrutin des élections. Sans succès.
Une fois installés dans « les chambres », les élu·es de la FNSEA obtiennent de nombreux sièges dans diverses autres instances agricoles qui disposent d’un important pouvoir décisionnel (...)
un réseau très vaste qui couvre une bonne partie des espaces de vie et de travail de la population agricole.
Pour prendre la mesure de ce réseau, on peut citer l’exemple de l’Orne, où un chercheur a calculé que le cumul des sièges réservés à des élu·es chambre FNSEA représente un total de 195 places disséminées au sein de 62 institutions ! (...)
tous les mois, les présidents des chambres reçoivent des instructions concernant les mots d’ordre ou éléments de langage de la part du bureau national de la FNSEA.
Un modèle généreux en pesticides
Une place à la « chambre », cela peut aussi être un tremplin vers la politique. (...)
Cette présence au cœur du pouvoir se vérifie également au niveau national, avec des places au sein d’instances décisionnelles cruciales comme celle qui gère la répartition de l’argent de la politique agricole commune (PAC), soit 9,3 milliards d’euros en France chaque année. (...)
Sans surprise, le modèle agricole défendu au sein des « chambres » est généreux en pesticides et peu friand de normes environnementales. (...)
Opacité
Autre problème des « chambres » : leur manque de transparence. Beaucoup d’entre elles n’ont pas de règlement intérieur. Les assemblées plénières et les bureaux ne publient pas toujours leurs compte-rendus (certaines ne le font même jamais), les règles de prises de décisions sont inégales et ressemblent parfois à une boîte noire avec des personnes non élu·es qui participent au vote alors qu’elles ne sont pas censées le faire.
Côté finances, ce n’est pas beaucoup plus clair. La Cour des comptes s’en est d’ailleurs émue à plusieurs reprises, dénonçant des « coûts injustifiés souvent au profit d’organisations agricoles » via des subventions ou des avantages en nature. Les conflits d’intérêt sont parfois tels que la Cour de discipline budgétaire et financière a déjà condamné plusieurs présidents et anciens présidents de chambres dirigées par la FNSEA. (...)
sachant que le nombre d’agricultrices et d’agriculteurs installé·es ne cesse de diminuer alors même que « la coordination de l’ensemble des actions liées à l’installation » fait partie des missions de service public des chambres d’agriculture, on peut avancer sans trop de risques que l’échec des chambres pilotées par la FNSEA est évident. On peut même se demander si leur programme n’est pas plutôt de désinstaller les agriculteurs.