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Mediapart
Le premier accusé de #BalanceTonPorc décoré par la ministre du travail
#balancetonporc
Article mis en ligne le 8 avril 2025
dernière modification le 5 avril 2025

Éric Brion a été fait chevalier de l’ordre national du Mérite le 2 avril. L’ex-directeur de la chaîne Equidia avait été le premier visé par le mouvement #BalanceTonPorc en 2017, pour des propos sexuels. Interrogée, la ministre Astrid Panosyan-Bouvet n’y voit aucun problème.

« Au nom du président de la République, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite. » Le 2 avril, Éric Brion, qui fut le premier homme mis en cause au déclenchement du mouvement #BalanceTonPorc en France, pour des propos sexuels, a été décoré de la prestigieuse médaille par la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

C’est Éric Brion lui-même qui a relayé l’information sur sa page LinkedIn, en partageant une vidéo du moment où la ministre lui épingle l’insigne. « Un moment d’une immense émotion », a écrit l’ancien directeur de la chaîne Equidia, félicité par des personnalités de la télévision comme la productrice Alexia Laroche-Joubert, ou son « ami » Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+.

Dans les commentaires, certains ont salué une distinction « amplement méritée », mais aussi « une belle revanche » et une « une juste réhabilitation après de tristes campagnes contre [lui] ». (...)

Des propos sexuels dénoncés en 2017

Éric Brion est celui qui, le premier, a été visé par le mot-dièse #BalanceTonPorc, en octobre 2017, en pleine onde de choc #MeToo. Dans le sillage de l’affaire Weinstein et des centaines de milliers de témoignages de violences sexistes et sexuelles sur les réseaux sociaux, Sandra Muller, directrice éditoriale de La Lettre de l’audiovisuel, avait rapporté sur Twitter (devenu X) les propos sexuels que lui avait tenus l’ex-directeur de la chaîne Equidia, lors d’un événement professionnel : « “Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit” Eric Brion ex-patron de Équidia #balancetonporc. » (...)

Quelques heures plus tôt, la journaliste avait posté : « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlent [sic] sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. » Ces deux posts avaient lancé le mouvement : en un an, « 931 240 tweets étaient publiés sur #balancetonporc et 18 millions sur #MeToo », a comptabilisé la cour d’appel de Paris en 2021.

Si Éric Brion a reconnu avoir prononcé ce type de propos, concédant avoir été « lourdingue », « couillon » et avoir « mal agi », il a démenti tout « harcèlement sexuel », faisant valoir qu’il n’avait pas réitéré ses paroles et qu’il s’était excusé. Dans une réponse très médiatisée, de la matinale de France Inter à un portrait dans Libération, en passant par BFM TV, Quotidien, des entretiens dans Le Point, EuroNews, etc., il s’est plaint que sa vie soit « détruite pour quelques mots grossiers » – une condamnation à la « mort sociale », a-t-il dénoncé.

Celui qui est aujourd’hui délégué général de l’ACCES a aussi estimé que « #BalanceTonPorc, c’est de la délation », tout en renvoyant la responsabilité sur Sandra Muller : « J’espère que tu peux te regarder dans la glace quand tu repenses à ce que tu as fait. » En 2020, il a écrit un livre, intitulé Balance ton père. Lettre à mes filles du premier accusé de #Balancetonporc (JC Lattès). (...)

Devant la justice, il a attaqué Sandra Müller en diffamation. En 2019, le tribunal a condamné celle-ci à verser 15 000 euros de dommages et intérêts au plaignant au titre du préjudice moral, 5 000 euros au titre des frais de justice, à retirer le post litigieux et à publier des communiqués judiciaires sur son compte Twitter et dans deux organes de presse.

Mais en 2021, la décision a été infirmée par la cour d’appel de Paris, qui a au contraire reconnu la « bonne foi » et le « but légitime » de la démarche de la journaliste : « L’appel à la dénonciation de ces agressions sexuelles ou sexistes – qui ne se confond pas avec la délation, inspirée par des motifs méprisables – demeure légitime », précisait l’arrêt. L’année suivante, la Cour de cassation, plus haute juridiction de France, a débouté définitivement l’ex-patron de la chaîne Equidia.

« C’est un grand soulagement de voir ce parcours du combattant prendre fin, avec une consécration de la liberté d’expression », avait alors réagi Sandra Muller auprès de Mediapart, saluant une décision qui, bien au-delà de son cas personnel, allait « donner beaucoup d’espoir à des victimes qui n’en ont plus ». (...)