
En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, « le gouvernement de M. Macron est clairement pyromane », dit l’anthropologue Isabelle Leblic. Face à ce mépris colonial, elle craint une « situation de non-retour ».
Isabelle Leblic — Les projecteurs se sont braqués sur ce territoire uniquement pendant les émeutes, au début de l’été. Une fois la révolte réprimée, avec l’arrivée massive de militaires et du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), la population, les dirigeants et les journalistes ont une fois de plus détourné le regard. La dissolution de l’Assemblée nationale, l’actualité politique et les Jeux olympiques n’ont pas aidé. Mais le problème est plus profond. Depuis longtemps, les gens se désintéressent de la question calédonienne. Déjà lors des « Événements » dans les années 1980, lorsque les Kanak s’étaient révoltés pour réclamer l’indépendance, la situation était regardée avec énormément de distance, excepté lorsqu’il y avait des morts, notamment Blancs.
Au fond, il y a un refoulé colonial, une négation des droits des peuples autochtones. On ne veut pas croire que la France a toujours des colonies. Il faut que le pays s’embrase et que la guerre civile s’esquisse à l’horizon pour qu’on daigne s’y intéresser. C’est affligeant.
Quelle est l’origine de la révolte ?
Rappelons en préambule que l’archipel de Kanaky-Nouvelle-Calédonie a été colonisé en 1853 par la France. Elle est inscrite sur la liste des territoires à décoloniser établie par l’ONU. C’est un « territoire non autonome », selon l’article 73 de la Charte des Nations unies. Son peuple dispose du droit à l’autodétermination et à l’indépendance, des droits qui lui ont toujours été déniés. Mais ce sont surtout deux événements récents qui ont mis le feu aux poudres. (...)
Quelle est la situation sur place à l’heure actuelle ?
Rien n’est réglé. La colère est toujours importante. Un couvre-feu s’applique sur l’île de 22 heures à 5 h du matin et interdit à la population de circuler. Des tribus, comme celle de Saint-Louis, dans la périphérie de Nouméa, sont encerclées par les forces de l’ordre. La militarisation du territoire continue. Des blocages filtrants existent aussi dans les autres régions de la Grande Terre avec différents points d’occupation pacifique par les indépendantistes. Un jeune militant a été tué par les forces de l’ordre début septembre.
En parallèle, le tissu économique est très dégradé, les services de transport ne fonctionnent plus. Le taux de chômage est considérable. Avec toujours de très fortes inégalités. Les difficultés économiques frappent principalement les Kanaks : 20 % d’entre eux sont au chômage, contre 12 % en moyenne sur l’archipel.
En réaction aux émeutes, la province sud tenue par les loyalistes, donc les non-indépendantistes, veut aussi réduire les aides sociales. La province arrête de financer des dispensaires en brousse et veut supprimer l’aide médicale gratuite pour les personnes en difficulté. Au fond, les loyalistes tentent d’asphyxier les Kanak et de tronquer les aides sociales que touchent les plus démunis. On observe une radicalisation de la posture des loyalistes Quelle est la situation sur place à l’heure actuelle ?
Rien n’est réglé. La colère est toujours importante. Un couvre-feu s’applique sur l’île de 22 heures à 5 h du matin et interdit à la population de circuler. Des tribus, comme celle de Saint-Louis, dans la périphérie de Nouméa, sont encerclées par les forces de l’ordre. La militarisation du territoire continue. Des blocages filtrants existent aussi dans les autres régions de la Grande Terre avec différents points d’occupation pacifique par les indépendantistes. Un jeune militant a été tué par les forces de l’ordre début septembre.
En parallèle, le tissu économique est très dégradé, les services de transport ne fonctionnent plus. Le taux de chômage est considérable. Avec toujours de très fortes inégalités. Les difficultés économiques frappent principalement les Kanaks : 20 % d’entre eux sont au chômage, contre 12 % en moyenne sur l’archipel.
En réaction aux émeutes, la province sud tenue par les loyalistes, donc les non-indépendantistes, veut aussi réduire les aides sociales. La province arrête de financer des dispensaires en brousse et veut supprimer l’aide médicale gratuite pour les personnes en difficulté. Au fond, les loyalistes tentent d’asphyxier les Kanak et de tronquer les aides sociales que touchent les plus démunis. On observe une radicalisation de la posture des loyalistes (...)
l’urgence que traverse le peuple kanak est autant climatique que sociale ou coloniale. Selon le Giec, les îles du Pacifique sont en première ligne face au réchauffement. Le Vanuatu et la Nouvelle-Zélande ont, eux aussi, déclaré l’urgence climatique. La Calédonie est frappée par de fortes pluies et par l’asséchement des terres dans certaines zones. L’érosion de la côte est aussi importante et bouleverse la physionomie du littoral. (...)
Les indépendantistes sont surtout mobilisés sur la question des inégalités, tant sociales qu’environnementales. Il y a une consommation ostentatoire en Calédonie, une multitude de yachts et de voitures de luxe, une population aisée, majoritairement blanche, qui utilise l’avion très souvent. La vie en tribu, elle, n’émet pas de CO2 ou si peu. Le mode de vie traditionnel kanak est très sobre d’un point de vue écologique. Plusieurs indépendantistes prônent aussi l’autosuffisance alimentaire et l’agroécologie. (...)
J’ai bien peur que l’on soit dans une situation de non-retour de part et d’autre. Les loyalistes sont plus racistes que jamais, les anti-Kanaks plus sûrs de leur bon droit pour la Calédonie française. (...)