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Mediapart
Le Haut Conseil à la vie associative saisi de la répression politique des associations
#associations #information #contratdengagementRepublicain #HautConseilalaVieAssociative
Article mis en ligne le 7 novembre 2025
dernière modification le 5 novembre 2025

Des associations du domaine de l’information ont transmis une saisine à cette instance consultative. Ils pointent les multiples pressions et coupes de subventions subies depuis l’entrée en vigueur du contrat d’engagement républicain.

Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) a été saisi par cent deux médias associatifs et associations du domaine de l’information jeudi 23 octobre. Ils et elles lui demandent de se prononcer sur la répression politique visant certaines associations, notamment via l’usage du contrat d’engagement républicain (CER) et la coupe de subventions. L’instance consultative, créée en 2011 et placée sous l’autorité du premier ministre, devra rendre un avis sur les deux aspects de cette répression. (...)

Le premier point abordé par les associations vise le CER, un contrat que toute association qui demande une subvention ou un agrément auprès d’une collectivité doit signer depuis janvier 2022. « Comment garantir un usage régulé, clair et cantonné strictement à l’objet de la loi du Contrat d’engagement républicain par les services déconcentrés de l’État et les collectivités en général ? Comment éviter qu’un amalgame soit opéré, faisant du CER un outil manipulé à d’autres fins ? », interrogent les associations.

Le CER a en effet été créé par la loi séparatisme d’août 2021 dans un but de lutte contre « l’islamisme radical » et « tous les séparatismes ». En cas de violation d’un de ses sept engagements, qui imposent notamment de respecter l’ordre public, la laïcité ou les principes républicains, l’association peut voir sa demande rejetée voire être contrainte de rembourser une subvention déjà versée.
Or, depuis son entrée en vigueur, le CER a été brandi principalement contre des associations jugées trop militantes politiquement et en raison de prises de position qui ont déplu aux autorités. Parmi les cas médiatisés, le CER a été invoqué contre l’association Alternatiba de Poitiers pour avoir organisé un atelier de désobéissance civile. Le préfet de la Vienne qui demandait le remboursement de la subvention avait finalement été débouté par le tribunal administratif au mois de novembre 2023.

La compagnie Arlette Moreau, elle aussi basée à Poitiers, s’était vu refuser une demande de subvention au motif d’une violation du CER constituée par des « engagements militants », sans plus de précision. Malgré un recours devant le tribunal administratif, la préfecture a refusé de préciser les engagements en question. Le juge a cependant décidé, mardi 14 octobre 2025, de rejeter la demande d’annulation de la compagnie.

La « transparence » de l’État en question (...)

Le communiqué des associations plaignantes dénonce des attaques « souvent sournoises, mettant en avant des raisons fallacieuses ou se dissimulant sous des prétextes financiers (baisse des budgets) alors qu’en réalité elles visent souvent des associations engagées, par exemple dans des luttes écologiques ou de soutien aux personnes étrangères ».

Mercredi 15 octobre 2025, Mediapart a par ailleurs rapporté, à la suite de l’Observatoire des libertés associatives, l’existence d’une directive nationale du ministère de l’intérieur visant à exclure a priori de certaines demandes de subvention les associations trop militantes. (...)

Une saisine symbolique

Le HCVA devrait désormais examiner ces questions dans les prochains mois, malheureusement sans grand espoir de conséquences concrètes et positives pour les associations. « Ses avis sont seulement consultatifs », explique Michel Lulek, membre du Syndicat de la presse pas pareille (SPPP) et administrateur de l’association qui édite IPNS (Imprimé par nos soins), un journal local basé sur le plateau de Millevaches, dans le Limousin.

Comme l’avait raconté Mediapart en décembre 2024, le tissu associatif et militant de cette zone est la cible d’une répression particulièrement intense, notamment par le biais de vagues de suppression de subventions d’associations et de médias indépendants, comme Télé Millevaches. (...)

La constitution de cette saisine, qui a pris un an et demi, est en effet déjà en soi une action symbolique importante. Les conditions à remplir pour pouvoir saisir le HCVA sont très strictes, et ce n’est que la seconde fois que des associations parviennent à les remplir. La démarche doit ainsi être portée par au moins cent associations « ayant un objet statutaire comparable » et basées dans au moins trois régions différentes.

« Et, quatrième condition, il faut qu’elles posent une question d’intérêt général pour les associations, précise Michel Lulek. On ne saisit pas le HCVA parce que “mon association n’a pas reçu une subvention”. Il faut que ça soit une question plus générale. »

La saisine des médias associatifs a, elle, réussi à réunir cent deux associations originaires de quarante-sept départements et œuvrant dans le domaine de « l’information, la communication ou l’éducation aux médias ». Elle est en outre soutenue par cinquante-huit autres associations d’éducation populaire.

Les risques du CER déjà pointés par le Haut Conseil (...)

Dans un premier avis sur la loi séparatisme, publié en décembre 2020, le HCVA estimait que les associations étaient déjà soumises à des obligations suffisantes « sans qu’il soit besoin de confirmer cet engagement en signant un nouveau texte ».

Dans un second avis, rendu en décembre 2021 et portant sur le décret d’application de la loi séparatisme instituant le CER, le HCVA s’était montré encore plus sévère. « Le contrat d’engagement républicain tend à confier à l’administration un pouvoir d’interprétation et de sanction très large », soulignait-il.

De manière prémonitoire, l’avis alertait sur le fait que le CER « ne doit pas empêcher l’expression des associations dans leur rôle de contre-pouvoir, notamment les associations qui prônent des actions publiques d’interpellation à travers des manifestations ou des actions pouvant être qualifiées par les pouvoirs publics d’actes de désobéissance civile ». (...)