
Les récentes réflexions en cours à la Commission européenne concernant une nouvelle législation sur l’espace sont l’occasion pour le CNRS de défendre la nécessité de préserver les activités de recherche spatiales, à l’heure où la multiplication des objets orbitaux fait peser de nouvelles menaces.
Depuis l’Antiquité, on a coutume d’appeler « constellations » des regroupements d’étoiles, visibles à l’œil nu depuis la Terre, évoquant certains animaux ou figures mythologiques. Le mot changera-t-il de sens à l’heure où se multiplient d’autres « constellations », composées de milliers de satellites commerciaux, toujours plus nombreux dans l’orbite terrestre, au point qu’ils puissent entraver l’astronomie ?
C’est en partie pour réguler cet environnement extraterrestre de plus en plus investi par ce qu’on appelle le New Space, soit l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment privés – parmi lesquels l’entreprise SpaceX, du milliardaire états-unien Elon Musk, et sa constellation de satellites Starlink – que l’Europe souhaite se doter d’un outil juridique protecteur.
Dans cet esprit, la présidente de la Commission européenne a souhaité, dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2023, une loi spatiale (EU Space Law). Objectif : positionner l’Union européenne (UE) sur ce nouveau marché en tant que puissance régulatrice, gardienne d’un « green and resilient space » (...)
Préserver les activités de recherche dans l’espace
Depuis 2021, le nombre de satellites en orbite croît de manière considérable. En 2023, on dénombre près de 2900 satellites au-dessus de nous, soit 17 % de plus qu’en 2022, pour une masse totale en orbite de plus de 1500 tonnes. Et parmi eux, SpaceX est un acteur de poids, en situation de quasi-monopole : sa constellation de 2500 satellites Starlink, fournisseurs d’accès à Internet, représente plus de 85 % de la masse totale satellisée dans le monde et 88 % du nombre total de satellites mis en orbite. Cette masse devrait considérablement croître au cours des prochaines années. D’une part, car SpaceX ambitionne de propulser en orbite jusqu’à 42 000 satellites Starlink ; et d’autre part, car d’autres acteurs envisagent de déployer leur propre constellation, comme le géant du e-commerce Amazon, qui vient d’envoyer en orbite en octobre 2023 deux prototypes de ses satellites Kuiper. Une situation qui évoque à Nicolas Arnaud, directeur de CNRS Terre & Univers, « une jungle dans laquelle tout le monde peut faire à peu près n’importe quoi ». (...)
L’astronomie, et plus généralement la recherche, figure parmi les domaines que l’Europe devrait chercher à protéger. L’avis du CNRS recense un ensemble de menaces que la multiplication des satellites, notamment commerciaux, fait peser sur la qualité et la viabilité des données astronomiques. (...)
En plus de la science, le CNRS milite pour la préservation d’un ciel noir et silencieux. Ceci vaut aussi bien pour les activités humaines que pour les autres habitants de la planète bleue. L’argumentaire souligne ainsi que l’augmentation globale de la luminosité du ciel peut avoir des impacts sur la biologie et les espèces vivantes, notamment sur les schémas migratoires de nombre d’entre elles, et que pour conserver cette biodiversité, le CNRS coordonne le réseau « écologique sombre ». Enfin, la croissance exponentielle des constellations satellitaires augmente d’autant le risque de collisions directes et, par conséquent, fait craindre la perte d’instruments scientifiques nécessaires au suivi des indicateurs climatiques et des modélisations météorologiques, inestimables aussi bien d’un point de vue scientifique que sociétal. (...)
La recherche, acteur du spatial durable de demain (...)