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Vincent Breton
Le cancer de la disqualification
#disqualification
Article mis en ligne le 4 mai 2024
dernière modification le 30 avril 2024

S’il est une pratique aussi mortifère que la dernière pandémie, c’est celle de la disqualification. Arme de destruction massive, la disqualification est hautement toxique. Elle vise à empêcher de penser et fabrique de l’exclusion. Sans exclure celles et ceux qui la pratiquent (ce serait contreproductif), on ne peut que tenter de pratiquer l’assertivité et s’engager d’un point de vue éthique en proposant d’autres façons de faire, dont celles de renouer avec le dialogue, puis le compromis qui ne relève pas du renoncement, mais de la capacité à faire société. Et ça urge un peu.

Ça disqualifie à tout va !

Il suffit de consulter les réseaux sociaux, d’écouter la radio… les politiques.

Ce matin, j’entendais sur une radio nationale une « humoriste » disqualifier un mouvement étudiant sans jamais aller sur le fonds des arguments, en procédant de raccourcis, d’amalgames et d’insinuations jamais étayés. La démarche était d’autant plus aisée que l’intervenante ne prenait aucun risque : pas de contradicteur en présence, une opinion d’emblée acquise… Le dénigrement facile assorti d’une absence totale de compréhension ne visait qu’à favoriser une vision binaire… Tout cela fait avec le pouvoir d’un grand média.

On entend beaucoup en ce moment – la thématique est proche- un certain nombre de politiques et de médias s’exprimer à propos du « manque d’autorité » qui serait la cause des dérives de la jeunesse (en procédant là aussi d’amalgames ou de raccourcis). On pointe alors du doigt tour à tour « les écrans » et les parents comme responsables. Cela permet de se dispenser de s’interroger sur les perspectives offertes à la jeunesse de s’émanciper et de se projeter.

Les difficultés de l’école relèvent des enseignants qui ne seraient pas assez qualifiés voir qui sciemment refuseraient d’imposer leur autorité ou de transmettre des connaissances. Si besoin on disqualifiera l’institution elle-même en l’accusant de laxisme et de vouloir faire baisser le niveau.

Les chômeurs, souvent « peu qualifiés » et qui donc s’inscrivent dans la durée longue, sont également soupçonnés non seulement d’être « les mauvais élèves de la classe » (ils n’ont pas obtenu les bons diplômes, sous entendu ils n’ont pas fait les efforts nécessaires…) , mais encore de « profiter du système ».

Un certain nombre de minorités sont disqualifiées car elles voudraient imposer « leur idéologie ». Non, elles voudraient juste la possibilité de vivre dans leur singularité.

La disqualification est souvent une pratique permettant d’exclure, de marquer une rupture. (...) (...)

La disqualification d’autrui est un « racisme social » (fondée parfois sur le racisme le plus ordinaire) qui non seulement peut mettre en exergue les origines réelles ou supposées, sa catégorie sociale, son milieu …pour lui ôter d’emblée le droit d’être reconnu-e comme personne. (...)

Nier l’autre dans sa légitimité

Frapper l’autre d’indignité en ne passant que par le tribunal de la diffamation, nier l’autre comme personne, décréter qu’il ou elle n’est pas légitime pour s’exprimer c’est lui dénier la possibilité d’être un ou une citoyen-ne avec les mêmes droits et devoirs. (...)