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le monde diplomatique
La révolte des tracteurs
#agriculture #FNSEA #UE #confederationpaysanne #Macron
Article mis en ligne le 27 février 2024
dernière modification le 26 février 2024

Lors de son monologue télévisé de deux heures, le 16 janvier dernier, M. Emmanuel Macron n’a pas consacré plus de cinq secondes au sort des agriculteurs. Une clairvoyance indéniable : deux jours plus tard éclatait l’une des plus importantes révoltes agricoles des dernières décennies. Aux quatre coins de France, des tracteurs bloquent les autoroutes, des éleveurs déversent du lisier devant les supermarchés, des pneus brûlent sur le parvis des mairies, préfectures et permanences d’élus sont prises pour cibles…

Les signes annonciateurs de cette colère paysanne s’étaient pourtant multipliés au cours des dernières semaines. En Europe, où des mobilisations avaient agité ­l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, les Pays-Bas, l’Espagne, la Belgique. Mais aussi en France où, depuis novembre 2023, des agriculteurs retournaient les panneaux de signalisation plantés à l’entrée des communes, en symbole d’une profession qui « marche sur la tête ». Le 10 janvier, dans un communiqué, six centrales syndicales européennes décrivaient même une situation devenue « insoutenable », pouvant « compromettre la survie des producteurs de l’Union européenne ».

Voilà bien longtemps que les agriculteurs du Vieux Continent se trouvent sur la corde raide, endettés, pressurés par la grande distribution et les géants de l’alimentaire, frappés par les sécheresses et les inondations à répétition, obligés de s’aligner sur la concurrence étrangère et ses produits bon marché, dépendants d’un système de subventions qui favorise les grands exploitants. Depuis la guerre en Ukraine, le tableau s’est encore obscurci. (...)

Se focalisant sur la goutte qui fait déborder le vase plutôt que sur les torrents qui l’ont rempli, les commentateurs résument cette colère à une protestation « contre les normes environnementales », comme si les paysans étaient par définition indifférents à la crise climatique. Mais c’est précisément cela que dénoncent les manifestants un peu partout en Europe : l’absurdité d’un système qui les fait contribuer à leur propre destruction, en défendant, faute de solutions immédiatement disponibles, des pesticides dont ils sont les premières victimes, les gains de productivité qui les conduisent à s’auto­remplacer par des robots, l’altération de l’environnement dont leur activité dépend. (...)