
Le procès devait se tenir lundi dernier, pour un article paru en novembre 2021. Mais au dernier moment, Guillaume Peltier s’est désisté. Le député européen, à l’époque membre de LR mais aujourd’hui proche de Marion Maréchal, a renoncé à la plainte en diffamation qu’il avait déposée contre Mediapart et sur laquelle il avait pourtant amplement communiqué.
« C’était une plainte de communication », commente Sarah Brethes, coautrice avec Antton Rouget de l’enquête en question, qui portait sur la façon dont l’élu usait de l’argent public pour des structures servant sa carrière personnelle.
On pourrait se réjouir. Une victoire de plus, par forfait celle-là.
Mais ces procédures ont un goût amer. Non pas en tant que telles : les journalistes, comme tout un chacun, peuvent être attaqué·es, et le cas échéant condamné·es, s’ils ou elles ont enfreint la loi. Mais le terrain judiciaire relève parfois de la manipulation rhétorique.
Depuis sa création en 2008, Mediapart a publié quelque 7 000 enquêtes. Des plaintes en diffamation ont conduit à environ 340 procédures pénales : nous n’avons été condamné que cinq fois, la dernière pour un article paru en 2013 (un droit de réponse audit article n’avait pas été publié dans les délais légaux).
Si l’on resserre le spectre sur les enquêtes qui concernent les responsables politiques, jamais l’un d’entre eux n’a fait condamner Mediapart par un tribunal. Aucun·e ministre, aucun·e parlementaire, aucun·e élu·e local·e. « Nous sommes d’ailleurs de moins en moins attaqué », constate notre avocat Emmanuel Tordjman, du cabinet Seattle.
Certains annoncent des plaintes, sans jamais les déposer. Nous sommes ainsi sans nouvelles, en dépit de nos demandes répétées à Matignon, de celle annoncée par le premier ministre, François Bayrou, à l’Assemblée nationale après nos articles sur Notre-Dame-de-Bétharram.
Guillaume Peltier, lui, l’a bien déposée, mais il a donc renoncé avant même de plaider sa cause devant le tribunal. Juste avant. Discrètement. Comme cela a dû arriver une quinzaine de fois dans l’histoire de Mediapart.
La nouvelle n’a pas apporté le moindre soulagement – « Nous avions absolument tous les documents pour étayer ce que nous avions écrit », explique Antton Rouget. Mais presque de l’amertume.Que de temps et d’énergie perdus. (...)