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Au Poste
La « médiarchie » a remplacé la démocratie.
#medias #democratie
Article mis en ligne le 21 août 2025
dernière modification le 16 août 2025

C’est une thèse aussi vertigineuse que lucide. Dans La Machine à Faire Gagner les Droites (AOC, 2025), Yves Citton démonte les engrenages invisibles d’un système qui pousse inexorablement nos sociétés à (extrême) droite toute ! Mais ici : pas question de fantasmer un grand complot, commode. Le cœur du problème, selon Citton : Nos médias, nos habitudes, nos infrastructures affectives, ce « ribosome politique » qui transforme l’information en propagande sans pilote, sans cockpit. Le règne des Médiarchies, qui supplantent la démocratie.

« Une machine, ça fonctionne. C’est ça qui est effrayant. » Comment nos affects sont-ils manipulés, nos pensées orientées, nos colères recyclées ? Dans cet épisode d’Au Poste, Yves Citton, auteur de La machine à faire gagner les droites (Éditions AOC), démonte un à un les rouages invisibles d’un système médiatique devenu, selon lui, un agent autonome de glissement vers l’extrême droite. Une dérive sans pilote, sans complot, sans grand plan concerté. Simplement une mécanique, grippée de l’intérieur. (...)

« Ce qui me semble fondamental, c’est ce qui, à travers nous, contribue à faire gagner les droites », lâche Citton, dès les premières minutes. Tout est dit : ce n’est pas eux, c’est nous. Et c’est précisément ce « nous » englué dans ses réflexes, ses désirs, sa consommation d’infos que le chercheur met à nu, avec douceur mais sans détour.

L’idéologie par inertie

Très vite, Citton clarifie une idée reçue : non, le cœur du problème n’est pas uniquement la concentration des médias entre les mains des Bolloré ou Murdoch. C’est une partie du problème. Mais réduire l’hégémonie des droites à quelques oligarques serait un écran de fumée. Le danger est plus profond, plus diffus. Il est structurel.

« Il faut sortir de l’obsession des intentions. Ce n’est pas une conspiration, c’est une configuration. » Ce que le livre décrit, c’est une sorte de ribosome politique, concept emprunté à la biologie, une machine vivante qui prend, transforme et recrache. En l’occurrence, elle ingère nos émotions, nos fragments d’opinions, nos indignations fugaces, pour produire une information qui n’a plus rien de neutre. Elle devient propagande. (...)

Des affects comme monnaie

Ce que cette machine produit, ce sont des publics. Et ces publics ne sont pas constitués de citoyens désireux de comprendre, mais d’individus happés par la polarisation. À coups de notifications, de buzz, d’indignation rentable. L’économie de l’attention, chère à Citton, n’est plus une simple métaphore : c’est la réalité d’une guerre affective.

Le philosophe insiste sur le rôle des infrastructures, ces supports invisibles de diffusion et sur leur pouvoir de répétition. (...)

Dufresne pousse l’invité sur le terrain glissant de la conspiration. Et là encore, le professeur chercheur fait un pas de côté : « Il ne faut pas jeter le bébé conspirationniste avec l’eau du bain. » Il y a parfois, dit-il, des noyaux de vérité. Mais la pensée du complot échoue parce qu’elle projette une volonté là où il n’y a qu’un engrenage. (...)

Quel rôle pour les citoyens dans ce système ?

Nous sommes co-responsables de la machine, dit Citton. Nos clics, nos partages, nos indignations même, alimentent le système qu’on prétend critiquer. Comprendre cela, c’est commencer à se réapproprier une part du pouvoir d’agir. Le livre invite donc à une forme d’auto-analyse collective, à mi-chemin entre la philosophie politique et l’écologie de l’attention.

Voir la video sur Invidious (pas ou peu de pistage)🔽

Lire aussi :

 (editions AOC)

Yves Citton : La Machine à Faire Gagner les Droites

De la Hongrie à l’Italie, de l’Argentine aux USA, en passant par la France, une irrésistible machine semble s’être mise en place, qui pousse les résultats des élections vers une droite toujours plus extrémiste, et dont l’accélérationnisme réactionnaire de Trump 2 fraie une ligne de fuite proprement terrifiante. Comment l’expliquer ?

En une soixantaine de vignettes enjouées, ce livre soutient qu’on se trompe en identifiant la politique au contenu des idées et des programmes. Ce qui fait gagner les droites, c’est un certain état de nos formes et de nos infrastructures médiatiques, dont le métabolisme met leurs discours et leurs imaginaires en prise directe sur nos dynamiques affectives. C’est aussi une incapacité collective à nous donner les moyens d’affronter nos problèmes les plus urgents.

Une analyse de cette Machine à Faire Gagner les Droites est proposée sur quatre niveaux : celui du fonctionnement des médias (anciens et nouveaux), celui des attracteurs conspirationnistes, celui des échelles de perceptions, et celui d’un environnement informationnel intoxiqué.

Une cinquième partie imagine un avenir déjà présent, dans lequel de multiples contre- machinations fraient la voie de contre-attaques, dont les gauches pourraient s’inspirer pour cesser d’accumuler les défaites. (...)