
Ariane Lavrilleux fait l’objet d’une enquête pour tenter d’identifier les sources de la fuite qui a révélé l’existence d’une opération conjointe ayant conduit à des exécutions extrajudiciaires dans le désert occidental entre 2016 et 2018.
La police française a arrêté une journaliste mardi en lien avec son reportage sur la complicité présumée de la France dans des exécutions extrajudiciaires de civils dans le désert occidental de l’Égypte entre 2016 et 2018, selon le site d’information d’investigation Disclose.
La journaliste, Ariane Lavrilleux, qui est de nationalité française, a coécrit la série d’enquêtes Egypt Papers, qui a été publiée en novembre 2021.
L’enquête affirme que la France a fourni des renseignements aux autorités égyptiennes dans le cadre de l’opération Sirli, qui ont ensuite été utilisés par Le Caire pour "tuer des civils" soupçonnés de passer clandestinement la frontière avec la Libye, et non des terroristes, comme cela avait été convenu.
Selon des fuites de documents classifiés de défense cités par Disclose, l’armée française a été impliquée dans au moins 19 frappes aériennes contre des civils entre 2016 et 2018.
Le gouvernement français n’a pas démenti ces informations.
L’opération Sirli a débuté en février 2016 sous la présidence de François Hollande. Elle s’est poursuivie malgré les réserves exprimées par le renseignement militaire français et l’armée de l’air sur la manière dont l’Égypte utilisait les renseignements, a rapporté Disclose.
L’une de ces notes a été adressée à la ministre française de la Défense, Florence Parly, le 22 janvier 2019, avant la visite officielle du président français Emmanuel Macron en Égypte.
En réponse aux révélations d’il y a deux ans, Hervé Grandjean, porte-parole du ministère de la Défense, a déclaré que le ministère avait "engagé une action en justice après cette fuite massive de documents classifiés", sans préciser qui était visé par la plainte.
Disclose a déclaré mardi que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avait perquisitionné le domicile de Mme Lavrilleux à la recherche de preuves liées à ses sources.
"L’objectif de cette atteinte inacceptable à la liberté de la presse est d’identifier les sources de Disclose, qui ont permis de révéler l’opération militaire Sirli, menée par la France en Egypte pour le compte de la dictature", indique le site dans un communiqué.
"Accompagnés d’un juge d’instruction, les policiers de la DGSI ont placé le journaliste en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour compromission du secret de la défense nationale et révélation d’informations pouvant conduire à l’identification d’un agent protégé", ajoute le communiqué.
Reporters sans frontières a dénoncé l’arrestation du journaliste dans un tweet : "Nous craignons que les actions de la DGSI ne portent atteinte au secret des sources".
De son côté, l’avocate de M. Lavrilleux, Virginie Marquet, a prévenu que la répression "risque de porter gravement atteinte au secret des sources des journalistes", et a déclaré à l’AFP que son client n’avait "révélé que des informations d’intérêt public".
L’année dernière, deux groupes de défense américains ont déposé une plainte conjointe demandant au procureur national antiterroriste français et à l’ONU d’enquêter sur la complicité de Paris dans des crimes contre l’humanité en Égypte dans le cadre de l’opération Sirli, selon Disclose.