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La féminisation « empêchée » des filières informatiques et numériques en écoles d’ingénieurs
#femmes #informatique #numerique #ecolesdIngenieurs
Article mis en ligne le 3 novembre 2025
dernière modification le 29 octobre 2025

(...) Cette dynamique est particulièrement observable au sein des filières de l’informatique et du numérique. Malgré la mise en place de nombreuses politiques visant à féminiser le secteur (...)

moins nombreuses au sein des écoles d’informatique, où elles ne représentent que 4,6 % des effectifs à Epitech, et 9,1 % à Epita (Dagnaud, 2018 ; Collet, 2019). Aussi, malgré une certaine progression, le domaine des STEM (acronyme de Science, Technology, Engineering and Mathematics en anglais) est encore aujourd’hui quantitativement dominé par les hommes et associé à la masculinité.

Pourtant, les travaux d’Isabelle Collet révèlent qu’il ne s’agit pas là d’une tradition ancienne ancrée dans une longue histoire de la profession. À la différence d’autres bastions masculins comme le secteur du bâtiment (Gallioz, 2007), de la police et de l’armée (Pruvost, 2007) ou de la marine (Dufoulon et al., 1999), qui se sont historiquement construits par et pour des hommes, l’informatique a longtemps constitué un domaine largement féminisé (Stevens, 2007). Ce n’est que lorsque le secteur de l’informatique a gagné en prestige qu’il a massivement été investi par les hommes. Il n’en reste pas moins que les représentations de l’informatique et de l’informaticien qui dominent actuellement en Occident font appel à des caractéristiques, des aptitudes et des compétences considérées comme masculines (virtuosité, inventivité, capacité d’abstraction, autodidaxie, ambition professionnelle), incarnées par les figures archétypales du « hacker » ou du « geek », passionnées de programmation (Collet, 2019).

Dans la littérature, la sous-représentation des femmes dans ce secteur est, de fait, principalement expliquée par des facteurs culturels liant cette discipline au masculin (...)

existence d’une dichotomie ancienne entre les métiers du service aux personnes et ceux relevant du travail technique et matériel. À cet égard, Clotilde Lemarchant (2017), qui a étudié les profils et trajectoires des femmes et des hommes « atypiques » au sein des formations techniques, souligne que l’école et l’orientation scolaire fonctionnent toujours comme une « gare de triage » (p. 17) entre filles et garçons, reflétant non seulement les dynamiques du monde du travail, mais également l’influence des médias et des attentes familiales. (...)

Pourtant, cela fait plus d’une trentaine d’années que la question de l’égalité professionnelle dans les secteurs techniques et scientifiques constitue un objet central des politiques publiques (Épiphane, 2016). Portées par différents acteurs politiques, économiques et associatifs, plusieurs actions ont cherché à encourager les jeunes filles à s’orienter vers les métiers de l’informatique, que ce soit au travers de campagnes de sensibilisation dans les lycées, d’ateliers de programmation informatique réservés aux filles ou encore d’actions de sensibilisation à l’égalité entre hommes et femmes dans les entreprises du secteur (Stevens, 2016). (...)

Comment expliquer que, malgré le déploiement de politiques publiques destinées à féminiser ces filières et le succès incontestable des filles à l’école, dans toutes les disciplines, elles restent encore exclues des formations du numérique et de l’informatique ?

Cet article se propose de comprendre le maintien de la segmentation sexuée des filières et des formations de l’informatique et du numérique en étudiant les différents facteurs qui contribuent à reproduire les interdits tacites et explicites que recouvre la division socio-sexuée des savoirs et des compétences. Nous faisons notamment l’hypothèse qu’en dehors des représentations sexuées qui orientent les pratiques éducatives et les attentes parentales en matière d’orientation scolaire, la féminisation « empêchée » des filières de l’informatique et du numérique est aussi – voire surtout – liée à l’existence d’une ambiance sexiste qui, d’une part, les décourage de s’y orienter, et, d’autre part, rend peu probable leur maintien sur le plus long terme. (...)