
La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), institution chargée de l’organisation de la justice des mineurs, traverse une crise majeure. Les récentes annonces de la direction, accusée de gestion calamiteuse, ont provoqué une onde de choc parmi les professionnels et les jeunes qu’ils accompagnent. Ces décisions, combinées aux recommandations du dernier rapport du Sénat sur le volet PJJ du projet de loi de finances 2024, soulèvent des questions fondamentales sur l’avenir de cette institution essentielle à la justice des mineurs.
Un plan social qui va supprimer plusieurs centaines d’emplois.
(...) Il y a la forme et le fond : La forme d’abord. Attendre le cœur de l’été pour confirmer de telles suppressions de postes dès septembre est plutôt problématique. De nombreux éducateurs de la PJJ ont en effet appris, fin juillet, le non-renouvellement d’environ 500 contractuels à la rentrée prochaine. (...)
Sur le fond, les organisations syndicales fustigent cette décision, la qualifiant d’inacceptable et incompréhensible. La PJJ est le maillon qui permet l’action éducative au sein de la justice des mineurs. Cette décision tombe à un moment où la justice des enfants est instrumentalisée à des fins sécuritaires. De quoi permettre aux tenants de la répression sans limites d’âge de demander toujours plus de peines de prison pour punir sans éduquer, alors que le gouvernement a déjà été mise à l’index sur ce sujet par la Défenseure des Droits.
Les syndicats en appellent à la responsabilité politique pour mettre fin à ce projet violent. (...)
Le dessous des cartes selon le Canard Enchaîné
Un article du palmipède publié mercredi nous en apprend un peu plus. Ce n’est pas glorieux pour la Directrice de l’institution. Le Canard rappelle d’abord que « la PJJ est l’une des plus petites administrations de France chargée d’encadrer et de recadrer 20.000 jeunes placés en centre éducatif fermé ou suivi en milieu ouvert pour avoir écopé de condamnation. Elle compte moins de 10.000 agents dont 2000 sont contractuels ».
Puis la journaliste Lauriane Gaud explique les tenants de l’affaire : « Le 31 juillet, la direction de la PJJ a annoncé qu’elle se passerait des services de près de 500 de ses contractuels. Motif : il n’y a plus d’argent dans les caisses. La faute, entre autres, aux primes des Jeux olympiques non budgétées, accordées par la direction à ses agents d’Île-de-France restés au travail pendant la période olympique. C’est aussi la faute du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a raboté le budget de la PJJ de 780.000 € en février dernier, au prétexte de lutter contre le déficit ».
Tout cela a provoqué la colère des syndicats de l’intersyndicale, rapidement reçus par le cabinet d’Éric Dupont-Moretti pour calmer le jeu en pleine fiesta olympique. « Le ministre a annoncé illico le dégel de 3 millions d’euros. Mais la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, vexée d’avoir été ainsi contournée, a décidé de ne pas les affecter aux dépenses de personnel » ! Si bien que le 12 août, le garde des Sceaux a dû lancer une mission de l’inspection générale de la justice sur le pilotage des effectifs de contractuels et de la masse salariale. Et rien sur les humeurs de la directrice ? », demande le Canard enchaîné…
Une lente descente aux enfers
Si l’on en croit le Canard enchaîné, tout cela est assez pitoyable. Les suppressions de moyens humains seraient bien le fait décisions de la direction de la PJJ. (...)
Historiquement, la PJJ a souvent dû faire face à des coupes budgétaires, souvent liées à des réajustements de la masse salariale et à des priorités politiques changeantes. Mais là c’est du jamais vu.
Dans le passé, ces budgets à la baisse ont généralement concerné des projets spécifiques, tels que les projets immobiliers. (...)
les coupes budgétaires actuelles visent à réaliser une économie supérieure à un million 500 mille euros. C’est particulièrement violent. Cela menace directement entre 280 et 480 emplois, principalement des postes de contractuels essentiels au bon fonctionnement des services.
Le comble de l’ironie se trouve dans le rapport du Sénat. Celui-ci souligne la nécessité d’améliorer l’attractivité des métiers au sein de la PJJ, en renforçant les recrutements. (...)
Un avenir incertain
Les coupes budgétaires et la réduction des effectifs auront un impact direct sur la prise en charge des jeunes en délicatesse avec la loi. (...)
On voudrait détruire l’action de la PJJ que l’on ne s’y prendrait pas autrement, me suggère une collègue. Cette institution, faut-il encore le rappeler, joue un rôle central dans la réhabilitation des mineurs délinquants, en mettant en place des mesures éducatives avec des sanctions adaptées à leur âge et à leur situation. Elle s’appuie sur un réseau de partenariats avec des acteurs locaux pour favoriser l’insertion sociale, scolaire et professionnelle des jeunes. La réduction des moyens va sans conteste fragiliser ces collaborations et limiter l’efficacité des interventions.
Mercredi dernier jour de mobilisation des éducateurs de la PJJ et de l’article du Canard Enchaîné, une quinzaine de députés de gauche, conscients du problème, ont cosigné un courrier adressé au ministre démissionnaire de la Justice (...)
Ils ont été entendus par le ministre Eric Dupont-Moretti mais pas par la directrice Caroline Nisand. Mais qui décide au final ?
Que va devenir la PJJ ?