
À quelques mètres de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), la Croix-Rouge et JRS France ont ouvert l’Oasis, un lieu qui accueille les demandeurs d’asile avant leur entretien. Les exilés, dont beaucoup viennent de centres d’accueil en région, sont généralement livrés à eux-mêmes avant ce rendez-vous fatidique, qui déterminera leur avenir dans le pays. Reportage.
(...) Depuis février 2024, JRS France (Jesuit refugee service) et la Croix-Rouge ont ouvert un espace pour accueillir à la journée des demandeurs d’asile avant leur rendez-vous décisif.
"Ce lieu répond à un impensé du système", explique Sarah Lecomte, coordinatrice de l’Oasis pour la Croix-Rouge. "Le jour de leur rendez-vous à l’Ofpra, les personnes sont livrées à elles-mêmes. Certaines ont dormi à la rue et n’ont pas mangé depuis des jours. D’autres ne connaissent pas Paris et la région parisienne car elles sont hébergées en région. Elles sont seules alors qu’elles doivent être en forme pour livrer leur récit à un inconnu, dire des choses qu’elles n’ont peut-être jamais racontées auparavant. On essaye d’atténuer leur stress en répondant à des besoins primaires. L’objectif est de leur offrir du répit : que les demandeurs d’asile se reposent et soufflent psychologiquement". (...)
La plupart des exilés rencontrés ce jour-là dans les locaux de l’Oasis ont le visage fermé. Le stress se lit dans les regards, quand les yeux ne sont pas rivés sur les téléphones. Les livres et les jeux de société en libre-service n’ont pas trouvé preneurs. Les demandeurs d’asile semblent trop préoccupés pour se distraire. Malgré une boule au ventre, certains décident tout de même de manger quelques gâteaux et de se servir une boisson chaude.
"On est angoissé, on ne sait pas ce qu’il va se passer lors de l’entretien", dit Sekou*, un Guinéen de 21 ans, venu demander l’asile avec sa petite amie. "C’est dur de revenir sur certaines périodes de sa vie", confie-t-il. Comme Sekou, la majorité des personnes rencontrées sont dans le flou total et ne savent pas à quoi s’attendre lors de leur rendez-vous avec un officier de protection de l’Ofpra. L’Oasis leur permet donc de se concentrer sur cette étape primordiale, sans avoir à penser à leur survie.
Plus de 4 000 personnes accueillies (...)
Au fond du local, un peu à l’écart, des fauteuils et des couvertures permettent à ceux qui le souhaitent de se reposer dans une ambiance tamisée, masques sur les yeux et bouchons d’oreille si besoin. À l’Oasis, les exilés peuvent aussi prendre une douche, voire même laver leur linge. Des kits d’hygiène, du maquillage et des vêtements sont distribués à la demande.
Depuis son ouverture en février 2024, environ 4 200 personnes ont été reçues dans ce lieu. En moyenne, les dix salariés et bénévoles qui se relaient quotidiennement accueillent chaque jour une trentaine de demandeurs d’asile. "On a une jauge à ne pas dépasser, c’est-à-dire qu’on ne peut pas recevoir plus de 20 personnes en même temps", précise Sandra Jouandeau, coordinatrice du lieu pour JRS.
"C’est vraiment bien ici, je ne m’attendais pas à trouver un lieu comme ça", assure Mariam. (...)