Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
France24
L’IVG officiellement inscrite dans la Constitution après un vote du Parlement
#femmes #avortement #IVG #constitution
Article mis en ligne le 5 mars 2024

Députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles ont très largement approuvé lundi l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse, la France devenant le premier à pays à le faire de manière explicite. Revivez le fil de cette journée histoire.

Emmanuel Macron a convoqué le Parlement, lundi 4 mars à Versailles, pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. La France devrait devenir le premier pays à autoriser explicitement l’interruption volontaire de grossesse dans sa Constitution.

20 h 45 : une explosion de joie devant la tour Eiffel

Des centaines de personnes ont célébré lundi le vote au Congrès pour l’inscription de l’avortement dans la Constitution française, sur l’esplanade du Trocadéro à Paris.

(...)

20 h 17 : Mathilde Panot annonce le dépôt d’une résolution pour protéger le droit à l’IVG au niveau européen

Dans la foulée de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, la cheffe des députés LFI Mathilde Panot a annoncé lundi le dépôt d’un texte pour enjoindre au gouvernement de faire inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

"Nous allons fêter une victoire historique et dès demain nous allons repartir au combat", a lancé la députée devant les journalistes, visiblement émue après le vote de 780 des parlementaires réunis à Versailles pour l’inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" de recourir à une IVG. Mathilde Panot avait déjà porté à l’Assemblée un premier texte de constitutionnalisation de l’IVG, adopté par les députés.

Sa proposition de résolution, qui n’aurait pas de valeur contraignante en cas d’adoption, appelle le gouvernement à "se mobiliser diplomatiquement auprès des États membres de l’Union et de la Commission européenne afin que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantisse le droit à l’avortement".

19 h 45 : il faudra "cinq à dix ans" pour mesurer la portée du texte selon un juriste

Le constitutionnaliste Benjamin Morel, qui a assisté au Congrès à Versailles, estime qu’il faudra "cinq à dix ans" pour mesurer la portée juridique encore "floue" de l’inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" de recourir à l’avortement.

"La portée de cette réforme est encore très floue. Ce qu’on sait, c’est qu’on ne peut pas rétropédaler en matière d’IVG. Demain, une loi qui reviendrait sur l’interruption volontaire de grossesse serait jugée a priori inconstitutionnelle", a-t-il expliqué.

Ensuite, il y a des incertitudes. Dans quelle mesure le Conseil constitutionnel voire le juge administratif se font le gardien des modalités de l’IVG ? La notion de garantie, dans la +liberté garantie+, pointe plutôt vers un contrôle du juge, mais la notion de liberté et l’inscription à l’article 34 de la Constitution renvoient aux compétences du Parlement... Donc, il y a une incertitude sur le degré de contrôle du juge sur l’application de l’IVG".

19 h 40 : "POUR celles qui se battent partout dans le monde pour leur liberté", rend hommage Olivier Faure

POUR Gisèle Halimi, Simone Veil, Yvette Roudy, POUR les féministes anonymes, les associations du MLF au ⁦@leplanning⁩, POUR toutes les femmes décédées, jugées, condamnées, POUR celles qui se battent partout dans le monde pour leur liberté ✊ #IVG pic.twitter.com/oAr959nOkN
— Olivier Faure (@faureolivier) March 4, 2024

(...)

Lire aussi :
 (Mediapart=
IVG : un vote pour l’histoire, mais pas sans mémoire

L’inscription de la liberté d’avorter dans la Constitution française est une première mondiale. Sa portée symbolique est considérable. Mais elle n’efface ni les difficultés à accéder réellement à l’IVG, ni l’instrumentalisation politique qu’en fait Emmanuel Macron. (...)

C’est pour que les femmes n’aient plus jamais à se défendre (devant des hommes) de la maîtrise de leurs corps que les féministes ont cherché à sacraliser le droit à l’avortement. Depuis qu’elles l’ont conquis, elles craignent de le perdre. Elles savent la dureté des luttes et la fragilité des acquis. L’histoire est faite, pour les femmes, d’une alternance de victoires et de défaites cruelles.

Sur l’IVG, le rappel, brutal, est venu des États-Unis avec la remise en cause par la Cour suprême, en juin 2022, de l’arrêt Roe vs. Wade qui garantissait l’accès à l’avortement depuis 1973. En Europe, la Pologne et la Hongrie ont suivi le même chemin.

La France a radicalement pris, lundi 4 mars, une autre voie. Les parlementaires réuni·es en Congrès ont décidé d’inscrire une phrase à l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » (...)

Ce vote est historique. La France devient le premier pays au monde à évoquer l’avortement dans sa Constitution. L’événement est d’autant plus saillant que le vote des député·es, des sénateurs et des sénatrices est extrêmement massif : 780 voix pour et seulement 72 voix contre.

Il est le produit d’un consensus patiemment tissé au Parlement, d’abord à l’initiative des gauches (Mathilde Panot, de La France insoumise) et des écologistes (Mélanie Vogel), puis avec le soutien des femmes de la majorité (Aurore Bergé), puis d’Emmanuel Macron, avant de convaincre finalement Les Républicains (LR).
Ceux-ci ont été bousculés par le puissant soutien à cette proposition dans la population. (...)

Ce vote du Congrès ne doit pas être gâché par l’apparat des cérémonies versaillaises : il est à la fois l’aboutissement d’un travail parlementaire exemplaire et d’une volonté profonde dans la société. Le fait est suffisamment rare pour être salué.
Une « révolution copernicienne »

Il ne faut pas non plus en minimiser la portée : le combat pour le droit à l’avortement et à la contraception est relativement récent. (...)

Cette bataille, inscrite dans la loi Veil de 1975, n’est pas une lutte parmi d’autres : elle est, à l’aune de l’histoire de l’humanité, une rupture anthropologique théorisée par Françoise Héritier et une « révolution copernicienne », selon l’expression de l’historienne Geneviève Fraisse. Ce que nous vivons ces dernières années, avec le puissant mouvement #MeToo, en est la continuité. Il continue à bouleverser les rapports femmes-hommes, l’idée même qu’on se fait de soi, la notion de sexe et de genre.

Glissons aussi, au passage, que la conquête du droit à l’IVG est une victoire de la laïcité, comme l’a souvent écrit le chercheur Jean Baubérot – celle qui s’émancipe des cultes pour édicter la loi commune, bien au-delà de la vision étriquée de celles et ceux qui ne l’agitent que pour s’en prendre aux musulman·es dans notre pays.
Droit formel, droit réel

Une fois tout cela énoncé, rappelons que le vote du lundi 4 mars ne garantit pas l’accès réel à l’avortement pour les femmes. Il reste inégal sur le territoire, et parfois très difficile. (...)

L’effondrement partiel du système de santé, la fermeture de centres IVG, la clause de conscience de médecins refusant de pratiquer des avortements, la précarisation grandissante d’une partie de la population et la fragilisation du statut des migrantes ou des trans : autant d’obstacles qui pourrissent la vie des personnes souhaitant avorter. Dans certaines régions plus que d’autres, dans certains quartiers plus que d’autres.

Ni la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (qui a souligné, à raison, qu’elle était la première femme de l’histoire à présider le Congrès après avoir traversé la galerie des bustes, « des bustes d’hommes exclusivement »), ni le premier ministre, Gabriel Attal, n’ont pris le moindre engagement à ce sujet. (...)

Au quotidien, celles et ceux qui œuvrent pour le droit à l’IVG subissent aussi des attaques, souvent venues de l’extrême droite. (...)

Ces dernières années, le gouvernement a souvent été silencieux sur le sujet, quand certain·es ministres s’en prenaient, sous couvert du off, aux positions du Planning sur le voile ou la transidentité.
Une instrumentalisation des droits des femmes

Il y a surtout une part d’instrumentalisation politique insupportable de la part du pouvoir. La cause mérite mieux que les petits arrangements tactiques d’Emmanuel Macron. Il n’a pas réellement souhaité la constitutionnalisation de l’IVG ; il a fini par s’y résoudre quand il a compris qu’elle pourrait nourrir son illusoire « en même temps », après la loi immigration et celle sur les retraites. (...)

Penser que l’on puisse inscrire l’IVG dans la Constitution et s’en prendre au « tribunal public », à la « société de l’inquisition » à propos de #MeToo, comme l’a fait le président de la République, est un contresens. Comme faire de Gérard Depardieu une « fierté française », ou défendre les ministres mis en cause pour violences sexuelles au terme d’une discussion « d’homme à homme ».

Depuis les années 1970, la bataille pour l’accès à l’IVG s’est accompagnée d’une critique, parfois féroce, du patriarcat. Depuis #MeToo, il est encore plus manifeste que la maîtrise du corps des femmes ou des personnes LGBTQI+ ne se découpe pas en tranches.

Le vote historique du Congrès n’efface pas le virilisme venu de l’Élysée. Heureusement, la Constitution reste, les présidents changent.