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L’écologie, bouc émissaire de la colère agricole
#agriculture #FNSEA #UE #Macron #ConfederationPaysanne #ecologie
Article mis en ligne le 25 janvier 2024

Parmi les griefs des agriculteurs en colère, les « contraintes environnementales » sont montrées du doigt. Et si l’écologie n’était qu’un bouc émissaire, afin de ne pas s’attaquer aux réelles causes de la détresse agricole ?

C’est la goutte de pétrole qui a fait déborder le vase. Depuis deux mois, les agriculteurs sont vent debout contre la fin de l’avantage fiscal sur le gazole utilisé pour leurs engins. Entre temps, manifestations et blocages se sont multipliés et la liste des revendications s’est allongée. (...)

Résultat, des institutions liées aux politiques écologiques ont été prises pour cible lors des mobilisations : explosion à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) à Carcassonne, dépôt de fumier et de pneus devant l’Agence de l’eau à Toulouse... « Les agriculteurs s’en prennent aux symboles de l’État, ils ont aussi bloqué des Directions départementales des territoires, observe la députée insoumise de la Seine-Saint-Denis et ingénieure agronome Aurélie Trouvé. C’est normal : on leur impose des normes sans les protéger. » (...)

Pour tous les militants écolos et paysans que nous avons interrogés, pas besoin de tourner autour de l’abreuvoir : la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique, mais bien le manque de revenus. « On n’est pas surpris par ce qui se passe, remarque ainsi Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Le dénominateur commun à toutes ces mobilisations, la revendication qui revient tout le temps, c’est celle de la rémunération. Si on avait des prix de vente qui nous permettaient de vivre, on serait plus à l’aise pour faire face aux aléas climatiques et aux différentes crises sanitaires. » (...)

« on leur demande plus d’efforts mais on ne les protège pas des importations de produits qui ne respectent pas ces normes, on ne leur garantit pas des prix qui leur permettent de vivre correctement et de s’engager dans la bifurcation écologique ». À l’automne dernier, le gouvernement a ainsi refusé de financer l’agroécologie et il a balayé les 600 millions d’euros d’aides supplémentaires demandées en soutien à l’agriculture bio.

« Les agriculteurs ne s’en sortent plus, et c’est d’ailleurs pour ça que ce mouvement est si fort et spontané, qu’il dépasse même les organisations syndicales, constate l’eurodéputé écolo Benoît Biteau. C’est une question de survie. » (...)

Le même constat, pas la même analyse

En clair, écolos et agriculteurs en colère dressent le même constat d’un mal-être social et économique… mais n’en tirent pas la même analyse. « Je partage leur détresse et je considère que leurs revendications sont légitimes, mais ils n’identifient pas les bons responsables, estime ainsi l’eurodéputé. Accuser les écologistes alors que nous ne sommes pas au pouvoir… Nous, Verts, n’avons pas voté pour cette PAC [Politique agricole commune] qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, nous n’avons pas voté pour les accords de libre-échange qui dérégulent les prix. »

Il pointe d’ailleurs un fossé grandissant entre les agriculteurs mobilisés et les directions nationales des syndicats agricoles majoritaires (...)

Tout le paradoxe est là. Face aux difficultés — sanitaires, économiques, climatiques — croissantes que rencontrent celles et ceux qui cultivent, « une partie du monde agricole se retrouve dans une fuite en avant, avec des solutions technicistes, néolibérales et de court terme », tranche Benoît Biteau, citant l’exemple des mégabassines. Autant de « fausses solutions », selon lui, qui ne feront qu’accentuer le problème.

Élus et militants de la cause paysanne tentent donc d’esquisser une autre piste de sortie, qui ne rimerait pas avec « moins d’écologie ». « Des normes bien construites sont des mesures de protection contre le marché, insiste Laurence Marandola. Elles permettent de protéger la santé des agriculteurs, celle des consommateurs, de préserver le sol et l’eau, qui sont nos facteurs de production. » La Confédération paysanne pousse ainsi pour que l’exécutif s’attaque « aux réelles causes du problème : la mise en concurrence des agriculteurs les uns contre les autres ». (...)

« La gauche doit être aux côtés des agriculteurs, face à l’Europe néolibérale, à la Macronie et aux industries agroalimentaires, souligne aussi Aurélie Trouvé, en faisant le parallèle avec les Gilets jaunes. Tout ceci est compatible avec nos revendications écologiques. »