
L’ancienne déléguée du gouvernement à Ceuta, Salvadora Mateos, et l’ancienne vice-présidente de la ville autonome, Mabel Deu, ont été condamnées à neuf ans d’inéligibilité pour avoir renvoyé en dehors de tout cadre légal 55 mineurs marocains entrés dans l’enclave espagnole de Ceuta en mai 2021. Ils avaient été expulsés vers le Maroc trois mois après leur arrivée, dans le courant du mois d’août. Une décision "injuste et arbitraire", ont rapporté les juges.
(...) L’affaire remonte à mai 2021, lorsque près de 15 000 personnes ont franchi la frontière de l’enclave espagnole de Ceuta au plus fort de la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc. Parmi elles se trouvaient environ 1 200 migrants qui se disaient mineurs. Les deux femmes sont accusées d’avoir sciemment contourné les procédures légales et violé la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant pour renvoyer rapidement 55 d’entre eux vers le Maroc voisin. (...)
Dans leur décision, les magistrats ont reconnu les difficultés rencontrées à cette période pour gérer cet afflux inédit de migrants dans l’enclave. Il a fallu faire face à des milliers d’arrivées avec une "précarité des moyens et de ressources" tout en gérant la pression de l’opinion publique. Toutefois, soulignent les juges, les deux accusées étaient "conscientes du caractère illégal", "sans fondement juridique" du renvoi de ces mineurs au milieu du mois d’août, environ trois mois après l’arrivée des jeunes à Ceuta.
"Violation flagrante du droit des mineurs"
Cette décision d’expulsion "telle qu’elle a été exécutée, était non seulement arbitraire, mais aussi manifestement injuste". Les deux femmes n’ont pas déterminé "au préalable si certains d’entre eux se trouvaient dans une situation de vulnérabilité dans leur pays d’origine et si [leur renvoi] pouvait compromettre l’intérêt supérieur de l’enfant", indiquent les juges. (...)
"Il en a résulté une violation flagrante des droits des mineurs, qui se sont retrouvés totalement sans protection", a conclu la cour, présidée par la magistrate Rosa María de Castro Martín, également rapporteure dans cette affaire.
En revanche, le tribunal n’a pas retenu l’accusation selon laquelle le ministère de l’Intérieur avait soutenu ces expulsions. Pourtant, le jugement rapporte l’existence d’une conversation informelle - par SMS - dans laquelle la cheffe de cabinet de la vice-présidente du gouvernement espagnol de l’époque, Carmen Calvo, avait discuté avec l’ancienne vice-présidente de Ceuta, aujourd’hui condamnée, de la nécessité "d’inventer une procédure" pour "faire plier le parquet" - chargé de veiller au respect des droits des mineurs - et accélérer les retours. (...)
Ce n’est pas la première condamnation qui tombe dans le cadre de "la crise de Ceuta" de 2021. La Cour suprême espagnole avait déjà confirmé en janvier 2024 que le renvoi de huit mineurs était illégal.
Au moins 30 morts depuis le début de l’année 2025
Ceuta est, avec la ville voisine de Melilla, une des deux enclaves espagnoles situées sur la côte nord du Maroc, les seules frontières terrestres de l’Union européenne sur le continent africain. (...)