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Demandeuses d’asile : la France "loupe le coche de protéger toutes les femmes" malgré un arrêt européen majeur
#migrantes #immigration #France #UE #CNDA #CJUE #femmes
Article mis en ligne le 20 juillet 2024
dernière modification le 19 juillet 2024

La Cour nationale du droit d’asile s’est penchée sur trois dossiers de femmes ayant fait face à des violences dans leurs pays d’origine. Seule l’une d’entre elles, une Afghane, a obtenu le statut de réfugiée grâce à un arrêt de la Cour de justice de l’UE qui ouvre la voie à la reconnaissance des persécutions basées sur le genre. Pour les autres nationalités, la CNDA en fait une interprétation bien plus restrictive. Explications.

L’attente était grande pour les demandeuses d’asile en France, quelle que soit leur nationalité. La déception des associations et avocats impliqués dans leur accompagnement l’est tout autant. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a rendu, jeudi 11 juillet, trois arrêts significatifs concernant la protection internationale de femmes victimes de violences.

Elles sont trois femmes, issues de trois pays différents. Une Afghane, une Albanaise et une Mexicaine. Au cœur de leur dossier : l’application de l’arrêt du 16 janvier 2024 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Un arrêt majeur aux yeux des associations et avocats spécialisés en droit des étrangers. Jusqu’ici, pour obtenir une protection internationale, être une femme victime de violences ou de discriminations basées sur le genre ne suffisait pas. Il fallait démontrer, en plus, son appartenance à un groupe social spécifique : victime de la traite des êtres humains, personnes à risque d’excision ou de persécution du fait de l’orientation sexuelle...

Avec cet arrêt, les femmes peuvent être reconnues comme un "groupe social" au sens de la Convention de Genève. La violence basée sur le genre constitue dès lors une "persécution" valable pour accéder au statut de réfugiée. (...)

Ainsi, sur les trois femmes audiencées par la CNDA, seule la requérante afghane a obtenu un jugement favorable. La Mexicaine et l’Albanaise voient toutes deux leurs demandes d’asile définitivement rejetées.

Dans un communiqué paru le 16 juillet, 13 associations parmi lesquelles le Planning Familial, l’Ardhis, la Cimade ou encore Dom’Asile, le regrettent. "La France tenait, avec l’arrêt de la CJUE, l’opportunité d’opérer une réelle avancée en matière de protection des femmes persécutées en raison de leur genre. Elle se contente du strict minimum : les femmes afghanes sont bien persécutées en raison de leur genre, les autres, si leurs gouvernements affichent un volontarisme de façade, attendront".

De fait, la CNDA a rejeté les dossiers de l’Albanaise et de la Mexicaine au motif que leurs deux pays avaient adopté des législations, anciennes ou récentes, en faveur de l’égalité hommes-femmes.

La CNDA considère que, pour ces raisons, les femmes mexicaines et albanaises ne peuvent être considérées comme constituant un "groupe social" au sens de la Convention de Genève. Donc, ne peuvent pas obtenir un statut de réfugié simplement parce qu’elles auraient subi des violences liées à leur genre.

"Il y a plein de pays dans lesquels les mariages précoces sont interdits, mais sont en réalité pratiqués dans la société. C’est pareil concernant l’excision. On ne protègerait plus les personnes homosexuelles au prétexte qu’une législation en leur faveur est affichée par leur gouvernement ? C’est un grand retour en arrière", fustige Me Maud Angliviel, l’avocate de la requérante mexicaine. (...)

L’OFPRA, qui avait examiné en premier la demande d’asile de Mme F., affirmait bien qu’il existe des violences structurelles à l’encontre des femmes au Mexique, et que ces dernières constituent un "groupe social" en tant que tel. Il restait à prouver, pour Mme F., le lien de causalité entre l’appartenance à ce groupe social, et les violences qu’elle a subie - un lien insuffisant, selon les agents de l’OFPRA.

Mais les juges de la CNDA ne se sont même pas penchés sur cet enjeu du lien de causalité. Ils se sont arrêtés à la conclusion de la non-existence du "groupe social" femmes au Mexique. Sans cette reconnaissance, tout le reste de l’argumentaire n’avait plus d’importance. Idem pour l’Albanie. (...)