
L’ex-présentateur du JT de TF1 est visé par une plainte pour viol de l’écrivaine Florence Porcel. De très nombreuses femmes ont témoigné contre le journaliste, dans la presse et auprès de la justice, l’accusant de violences sexistes et sexuelles. Il nie en bloc.
C’est un coup de tonnerre dans un dossier emblématique pour #MeToo en France. L’ancien présentateur vedette de TF1 Patrick Poivre d’Arvor a été mis en examen pour « viol » lundi 18 décembre, dans le cadre de la plainte déposée par l’écrivaine Florence Porcel.
Selon BFMTV, qui a révélé l’information, les magistrats chargés de l’instruction ont décidé de cette mise en examen en lien avec une fellation forcée qu’il aurait imposée à Florence Porcel en 2009. Elle avait également dénoncé un autre fait de viol dans les locaux de TF1 en 2004, pour lequel Patrick Poivre d’Arvor a été placé sous statut de témoin assisté. (...)
Dans un premier temps, cette plainte de Florence Porcel – la première à avoir saisi la justice à propos de l’ex-journaliste – avait été classée sans suite par le parquet. Mais l’autrice de 40 ans avait redéposé plainte, avec constitution de partie civile cette fois : cette procédure permet qu’un·e juge d’instruction se saisisse de l’affaire. Et c’est ce magistrat qui a estimé disposer de suffisamment d’éléments pour mettre en examen Patrick Poivre d’Arvor, qui bénéficie dans ce cadre de la présomption d’innocence.
Outre cette procédure, PPDA, 76 ans, fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte en décembre 2021 dans laquelle 22 femmes ont été entendues et dans laquelle il a déjà été interrogé par les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Elles ont témoigné pour viols, agressions sexuelles et/ou harcèlement sexuel. Des faits très majoritairement prescrits. (...)
Au total, devant la justice ou dans la presse, au moins 45 femmes ont accusé le journaliste de les avoir violées, agressées ou harcelées sexuellement. En mai 2022, 20 d’entre elles étaient rassemblées sur le plateau de Mediapart, un an après l’ouverture d’une information judiciaire visant l’ancien présentateur star.
« Enfin ! », a réagi sur X (anciennement Twitter) la journaliste Hélène Devynck, une autre plaignante et autrice d’un livre sur l’affaire, Impunité (Seuil, 2023). (...)
Une affaire tentaculaire
L’affaire, tentaculaire, est emblématique. Parce qu’elle montre le visage différent des femmes qui témoignent dans ces affaires. Sur le plateau de Mediapart, en 2022, elles ont entre 28 et 63 ans. Elles sont journalistes, autrices, mais aussi enseignante, bibliothécaire, employée de magasin, conseillère commerciale, administrative ou aux entreprises...
Elles viennent de milieux sociaux différents, de région parisienne, de Bretagne, de Bourgogne, du bassin d’Arcachon, du Pays basque, du nord de la France. Les faits qu’elles dénoncent ont eu lieu à TF1, au domicile de Patrick Poivre d’Arvor, mais aussi dans des chambres d’hôtel, au ministère de la culture, dans les loges de son émission ou en marge d’un colloque de journalistes à la Martinique.
Leurs accusations sont de gravité pénale différente (« comportement inapproprié dans le cadre professionnel », « harcèlement sexuel », « agressions sexuelles », « viols »), mais elles décrivent toutes un même « mode opératoire », comme l’a souligné le policier dans son rapport de synthèse : celui d’un « prédateur sexuel » qui « abuserait de sa notoriété », qui multiplierait les « questions intrusives » (« êtes-vous en couple ? », « êtes-vous fidèle ? », « quand avez-vous fait l’amour pour la dernière fois ? », « vous masturbez-vous ? ») et qui aurait agi « dans la brutalité », « sans la moindre tentative de séduction, ni la moindre considération envers les femmes qui osaient refuser ses avances ».
« Ce qui est sidérant, c’est la concordance des témoignages. On décrit le même homme, on ne se connaît pas, on n’a aucune raison de mentir… On n’a aucune raison de parler et on décrit exactement les mêmes gestes, les mêmes mots, les mêmes circonstances », a affirmé la journaliste Hélène Devynck.
Sur la vingtaine de témoignages concernant PPDA, huit dénoncent un, voire plusieurs viols. (...)
Malgré ces nombreux récits, le groupe TF1 n’a fait aucune communication publique sur cette affaire et n’a pas ouvert d’enquête interne – des salarié·es présent·es à l’époque des faits dénoncés sont pourtant toujours en poste, même si l’encadrement a été renouvelé depuis. Certes, des mesures ont été prises, avec notamment la nomination de référents dédiés, mais, pour les plaignantes, le compte n’y est pas.
« En tout cas, la chaîne ne s’est pas interrogée, jamais, sur ce ballet incessant, sur ces invitations permanentes tous les soirs, quotidiennes, systématiques, de très jeunes femmes, dans les milieux qui sont les nôtres, après le 20 heures », affirme ainsi Muriel Réus, ancienne dirigeante d’une filiale de TF1, et qui a dénoncé une tentative d’agression sexuelle dans le bureau de PPDA en septembre 2005.