Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
La vie des idées
Jusqu’où la laïcité ?
#laicite #ecolepublique #ecoleprivee
Article mis en ligne le 9 septembre 2024

La laïcité scolaire a changé de nature : conçue comme un principe permettant de régler les rapports entre les Églises et l’État, elle est devenue un ensemble de valeurs associé à l’idéal républicain. Mais est-ce justifié ?

(...) Dans de précédents travaux, S. Hennette Vauchez s’intéressait déjà à la transformation du principe de laïcité survenue ces dernières décennies, conduisant à ce qu’avec d’autres, elle appelle la « nouvelle laïcité » [1]. Cette transformation correspond notamment au passage d’une laïcité entendue comme un principe organisant les rapports de l’État et des Églises à une laïcité conçue comme une valeur, synonyme d’adhésion au projet républicain. Si l’autrice choisit cette fois d’examiner ce phénomène dans le cadre scolaire, c’est parce qu’elle estime qu’en matière de laïcité, l’école fonctionne comme un laboratoire : c’est là que le nouveau sens de la laïcité se développe, avant de se propager ailleurs, notamment dans le droit du travail. Reste que quand il est question de laïcité scolaire, l’école publique et l’école privée sont le plus souvent examinées séparément, lorsque la seconde, qui accueille pourtant 20% de la population scolaire, n’est pas tout simplement ignorée. S. Hennette Vauchez entend au contraire montrer que comprendre la nouvelle laïcité scolaire suppose de les étudier ensemble. (...)

Cette nouvelle laïcité scolaire aboutit néanmoins, conclut l’autrice, a un résultat paradoxal. Les promoteurs de la nouvelle laïcité la voient comme un moyen de réaffirmer le rôle de l’école publique dans la formation des citoyens et de renforcer l’adhésion au projet républicain. La Loi de 2004 ne s’applique pas néanmoins dans les établissements privés, de façon à protéger leur caractère propre, mais aussi à garantir une alternative scolaire aux élèves refusant de se départir de leurs signes religieux et de ce fait exclus de l’école publique. Elle instaure ce faisant un rapport de dépendance inédit de l’école publique vis-à-vis de l’école privée et consolide finalement le principe d’un secteur privé de l’éducation. (...)

On peut néanmoins s’étonner que ces penseurs contestent rarement la légitimité de l’accommodement qui conduit 20% des élèves, scolarisés dans des établissements privés sous contrat, à ne pas être soumis à l’obligation de neutralité religieuse. Ces élèves sont pourtant également de futurs citoyens. Est-il dès lors crédible de continuer à affirmer que la présence de signes religieux est incompatible avec la formation des citoyens ? Comme le souligne à plusieurs reprises l’autrice, le secteur privé de l’enseignement regroupe principalement des élèves issus des classes sociales les plus favorisées et participe bien peu à la mixité sociale, malgré le financement public dont il bénéficie. Ne faudrait-il pas s’inquiéter davantage des effets de ce séparatisme de classe ? Et corrélativement lutter davantage contre la tendance à exiger des plus défavorisés des gages d’adhésion aux valeurs de la République qu’on n’exige pas toujours des plus favorisés ? Si S. Hennette Vauchez n’aborde pas frontalement ces questions, elle fournit des outils pour les formuler et y réfléchir.