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JO d’hiver 2030 : une catastrophe écologique et sociale annoncée
#JOd’hiver2030 #migrants #immigration
Article mis en ligne le 30 juillet 2024
dernière modification le 28 juillet 2024

Les Alpes françaises vont accueillir les Jeux d’hiver 2030, a-t-on appris le 24 juillet. Des voix s’élèvent depuis des mois contre ces nouveaux JO qui aggraverait les dérèglements climatiques et les inégalités sociales. Une enquête de la Revue Z.

Tandis que 90 % des Français·es ne partent pas aux sports d’hiver faute de moyens, que des milliers de personnes exilées risquent leur vie chaque année en tentant de passer la frontière alpine, que l’économie des montagnes reposant sur le tourisme est en train de faire naufrage, que la France base son plan d’adaptation au réchauffement climatique sur un scénario à +4 degrés d’ici 2100, et que les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que la moyenne planétaire…

… Laurent Wauquiez (président de la région Auvergne-Rhône-Alpes devenu aussi député) et Renaud Muselier (président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur) semblent, eux, très optimistes quant à l’avenir climatique et économique de leurs montagnes ! Pour preuve, ils ont décidé de fusionner les dossiers des deux régions pour proposer une candidature unique pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver de 2030.

Après Chamonix en 1924, Grenoble en 1968 et Albertville en 1992, les Alpes françaises se sont retrouvées seules en lice pour accueillir une nouvelle édition. Le 24 juillet, le Comité international olympique a officiellement attribué ces Jeux d’hiver à la France « sous conditions » que la garantie financière soit votée par le Parlement d’ici mars 2025.

Les autres candidatures, suisse et suédoise, ont été écartées par le CIO, de peur d’un rejet populaire. Mais qui veut encore des JO sur son territoire ?

Pas de neige, que du béton

Février 2022. Les Jeux d’hiver de Pékin sont les premiers à se dérouler sur de la neige 100 % artificielle. (...)

Les scientifiques annoncent en effet la baisse continue de l’enneigement dans les prochaines années, avec une remontée de la « limite pluie-neige » [1]. Un réchauffement des températures mondiales de 4 degrés d’ici 2100 entraînerait la mise hors service de 98 % des 2234 stations de sports d’hiver européennes.

La hausse actuelle des températures en montagne et la fonte des glaciers aggravent les risques d’avalanches et d’inondations, et l’artificialisation des sols ne ferait qu’accélérer ce processus. Face à ces changements en cours, les vallées ne sont pas du tout préparées.

Les compagnies privées qui gèrent les domaines skiables misent donc sur la neige artificielle. La multiplication de retenues collinaires [2] est envisagée pour produire toujours plus de neige de culture. Hautement décriées, celles-ci constituent une dépense d’argent public et un accaparement des ressources au bénéfice des compagnies des stations les plus riches et prestigieuses. Et quand les canons à neige ne suffisent pas, c’est par hélicoptère ou par camion que l’on amène la neige, comme cela s’est déjà vu pour la Coupe du monde de biathlon au Grand-Bornand (Haute-Savoie) en 2022. (...)

Plutôt que d’amorcer dès maintenant – et bien que déjà tardivement – une sortie de l’économie du ski, certain·es élu·es alpin·es croient donc pouvoir grappiller encore quelques années en organisant les Jeux d’hiver 2030.

Avec l’espoir de pouvoir surfer sur les lois « spécial JO » afin d’accélérer des projets en station, pour certains fortement contestés (...)

Rentabiliser la fin du monde

D’après son rapport « Les stations de montagne face au changement climatique » du 6 février 2024, la Cour des comptes annonce qu’« avec 53,9 millions de journées-skieur, la France se classe au deuxième rang mondial du tourisme hivernal, juste derrière les États-Unis ». Tout en rappelant que les territoires de montagne en France se sont rendus économiquement dépendants de la monoculture du ski depuis le développement des stations dans les années 1950, à travers les plans neige.

La raréfaction de la « ressource neige » entraîne une mise en concurrence des stations, au détriment des petites et moyennes villes de montagne. Les grandes stations, nichées à des altitudes suffisantes, tirent leur épingle du jeu et s’orientent vers une offre touristique de luxe, réservée aux quelques gâté·es qui peuvent se payer l’expérience de plus en plus rare de la neige en hiver. Le développement de cette branche de tourisme exige la création d’activités adaptées aux goûts de ces vacanciers et vacancières privilégié·es : piscines chauffées, spas, hôtels de luxe… (...)

Soit le déni climatique des dirigeants est à son comble, soit il s’agit de cyniquement rentabiliser la fin du monde, pour le plaisir d’une poignée de touristes fortuné·es et au détriment des travailleur·ses. (...)

Parmi les stations qui pourraient accueillir des épreuves, Serre-Chevalier et Montgenèvre se trouvent là où, chaque jour, des personnes venues demander l’asile tentent de traverser la frontière franco-italienne. En conséquence de l’absence de politique d’accueil et de la mise en place d’un dispositif policier en haut des cols, des dizaines d’entre elles perdent la vie chaque année au pied des stations. Le Conseil d’État a d’ailleurs récemment confirmé une décision de la Cour de justice européenne condamnant l’État français pour le rétablissement du contrôle à la frontière et le refoulement systématique des personnes exilées. (...)

« On voit mal ce que les JO pourraient faire de pire, partage un militant solidaire du Briançonnais. Tu peux passer la frontière avec un forfait de ski mais pas pour demander l’asile. » La ségrégation spatiale touche de plein fouet celleux qui n’ont ni argent ni bons papiers.

Associations et collectifs tentent tant bien que mal de leur fournir de l’aide, malgré la répression et les contrôles d’identité. (...)

Si les JO devaient avoir lieu dans les Alpes françaises, les pouvoirs locaux pourraient y voir l’occasion d’affaiblir les réseaux de solidarité en usant des moyens utilisés lors d’autres événements, sportifs ou non : assignation à résidence, éloignement de certain·es bénévoles et militant·es du territoire ou poursuites judiciaires. « On est déjà marginalisé·es. Si tu oses prendre position contre les JO, on dit que t’es pour la mort du territoire », poursuit le militant briançonnais. (...)

même les élu·es n’ont pas accès au dossier de candidature. Aucune étude d’impact, aucun budget prévisionnel, c’est une candidature « au doigt mouillé » (...)

le slogan de ralliement du collectif No JO : « 15 jours de fête, 15 ans de dettes… » (...)

Annuler : il est encore temps

Alors que faire pour enrayer la machine et éviter une nouvelle catastrophe olympique en territoire alpin ? Les techniques peuvent être diverses et simultanées.

D’abord, appuyer le collectif No JO, qui demande qu’une consultation publique soit organisée. (...)

d’autres voies sont possibles, entre voter pour des élu·es régional·es opposé·es au projet, ou la bonne vieille pression populaire par la rue. Derrière la bannière catalane « Per un Pirineu viu. Aturem els Jocs Olímpics » (« Pour des Pyrénées vivantes. Arrêtons les Jeux olympiques »), une manifestation a réuni 5000 personnes en mai 2022, et l’Espagne n’a finalement pas déposé sa candidature pour les Jeux de 2030, prétextant un désaccord entre régions.

Résister joyeusement

D’après Stéphane Passeron, le problème est que « comme plus personne ne veut accueillir les JO, le CIO, quand il trouve un candidat, il le lâche plus » ! L’idée du collectif No JO est donc de multiplier les événements publics, rassemblements et débats pour alerter sur les méfaits de l’événement sportif mondialisé. (...)

Iels ont d’ores et déjà organisé plusieurs éditions des « JO des prolos », des déambulations festives qui ont eu lieu dans les Hautes-Alpes, à Grenoble et à Chambéry, et se préparent à de nouvelles actions à l’été 2024. (...)

S’allier au-delà des frontières

Des liens se créent aussi par-delà les frontières, avec l’Italie, la Suisse, et même le Japon ! (...)

Repenser l’avenir des Alpes

Il faudra sûrement user d’une diversité des tactiques et continuer à tisser ce réseau international de lutte pour empêcher la machine olympique de faire ses dégâts dans les Alpes en 2030 et au-delà (...)