
À l’heure de la rentrée, comme chaque année, des milliers d’enfants en situation de handicap sont exclus du système scolaire. D’autres y sont admis, sans pour autant bénéficier des aides légales. L’année dernière, le collège Josette et Maurice Audin, à Vitry-sur-Seine, a concentré à lui seul toutes les limites de l’école inclusive à la française.
(...) À chaque rentrée, c’est la même rengaine. Alors que l’Unapei relance sa campagne #j’aipasécole, pour sensibiliser le grand public sur ces « milliers d’enfants » porteurs de handicap exclus du système scolaire, le ministère brandit ses chiffres en retour. Selon la ministre de l’éducation démissionnaire Nicole Belloubet – qui préfère voir le verre à moitié plein – 490 000 enfants en situation de handicap seraient sur le point de prendre le chemin de l’école. Mais elle oublie encore de raconter les conditions d’accueil, parfois ubuesques, à l’image de ce qui s’est passé au sein du collège Josette et Maurice Audin, à Vitry-sur-Seine, l’année dernière.
Ici, les 15 élèves de la classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) ont passé les huit premiers mois de l’année perdu·es dans des classes ordinaires, sans aucune aide complémentaire. Leur enseignant coordinateur était absent, et n’a été remplacé qu’à partir du 29 avril 2024. Tout au long de l’année, deux postes d’AESH (accompagnatrices d’enfants en situation de handicap) à temps plein manquaient à l’appel, et une troisième AESH n’a pu se rendre disponible qu’à temps partiel. (...)
Poussées à mettre en demeure l’établissement
Au bout de quelques mois, Susana et quelques mères de la classe Ulis se sont rapprochées. L’une s’est effondrée dans les bras de l’autre à force de savoir son fils sans aide, assis sur sa chaise à attendre que l’horloge tourne. Une « année blanche » en somme, selon les mots de de la responsable FCPE du collège Gwenaëlle Bayard, qui a fait face à des parents « désemparés ». (...)
« On a cherché des solutions à l’amiable, on a demandé que l’absence de coordinateur soit compensée par des AESH pour accompagner chaque élève dans sa classe. La principale nous a appuyés comme elle a pu, mais ça n’a pas marché. Alors on s’est dit qu’on allait s’en remettre à la justice », se souvient la représentante des parents d’élève, qui a réceptionné cinq mises en demeures rédigées par les parents, exhortant la direction des services départementaux de Créteil d’exécuter la décision d’octroi d’AESH notifiée par la MDPH. Une démarche suspendue à l’arrivée de l’enseignant coordinateur remplaçant, à la fin du mois d’avril.
Entretemps pourtant, le mal était fait. Dès l’automne, une élève de la classe Ulis a été exclue en raison de comportements violents. Sur les six conseils de disciplines réunis l’année dernière, trois concernaient des Ulis. Du jamais-vu dans le collège jusque-là. (...)
À quelques jours de la rentrée, un personnel encadrant confirme auprès de Mediapart qu’une nouvelle enseignante coordinatrice a été nommée pour accompagner la classe Ulis.
De son côté, le ministère de l’éducation vient d’annoncer le recrutement de 3 000 AESH supplémentaires sur toute la France, mais Thomas n’aura personne pour compléter les heures d’absence de son accompagnatrice. Conseillée par l’association TouPI (Tous pour l’inclusion), Susana a donc pris attache avec un avocat. « Il faut toujours lutter pour des trucs banals auxquels nous avons droit… Mais je ne veux pas que ça recommence. »