
À Rosny-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, la librairie Les Jours heureux a été à deux reprises victime d’actes de vandalisme. Qu’est-ce qui lui a valu ces attaques ? Avoir organisé une rencontre autour d’un livre présentant des portraits d’Israéliens refusant de rejoindre leur armée. Une importante mobilisation des habitants de la ville s’est depuis spontanément organisée en soutien au commerce.
Vendredi 6 juin, la librairie indépendante Les Jours Heureux, à Rosny-sous-Bois, organisait une rencontre autour de Nous refusons, Dire non à l’armée en Israël (Libertalia) un ouvrage du photographe Martin Barzilai , consacré aux Israéliens qui ont refusé de servir dans l’armée nationale.
Le livre dresse les portraits d’hommes et de femmes qui, pour des raisons politiques, éthiques ou humanistes, ont choisi de dire non à leur service militaire. Un sujet sensible, dans un contexte géopolitique marqué par les violences à Gaza, et que la librairie avait choisi d’accompagner d’une vitrine thématique, composée de livres sur la situation dans les territoires palestiniens et de recueils de poésie gazaouie. Pour décorer le tout, « on avait reproduit plusieurs poèmes sur la vitre », nous explique Corisande Jover, gérante de la librairie. (...)
La veille de la rencontre, le jeudi 5 au matin, un premier acte de vandalisme a visé l’établissement. Dans la nuit, la serrure de la librairie a été remplie de colle, rendant l’ouverture des lieux impossible jusqu’à l’intervention d’un serrurier. « On a préféré ne pas communiquer tout de suite. Il y avait toujours un doute sur le lien entre cet acte et la vitrine », explique la libraire. « Il y a eu une enquête de police qui n’a rien donné », ajoute-t-elle.
La rencontre a toutefois pu se tenir comme prévu et sans incident : « Il y avait beaucoup de monde, sans aucune perturbation. » (...)
Mais les faits ne s’arrêtent pas là. Le samedi 14 juin au matin, les membres de l’équipe découvrent que la vitrine a été taguée à la peinture blanche d’un message explicite : « Hamas violeur ». « On a réussi à l’enlever mais il reste des traces qui font qu’on peut encore le lire aujourd’hui. » Là encore, les images de vidéosurveillance de la rue n’ont pas permis d’identifier un auteur ou une autrice des faits : « Apparemment les caméras n’étaient pas bien orientées, donc ça ne donne rien. » (...)
Très vite, les Rosnéens se sont mobilisés. Des post-it sont apparus spontanément sur les vitrines en réponse au tag. « On a eu énormément de messages de soutien de nos clients, ça nous donne du courage », nous confie Corisande. En parallèle, une cagnotte a été montée par les habitués de la librairie, entre autres pour participer aux frais de réparation engagés, notamment ceux provoqués par le changement de la serrure qui n’a pas été pris en charge par l’assurance du commerce. (...)
Fondée il y a neuf ans, Les Jours Heureux est la seule librairie indépendante de cette commune de près de 50.000 habitants. (...)
lle peut compter sur une équipe complètement soudée sur ce sujet (...)
Elle souhaite alors profiter de cet incident pour faire passer un message à ses collègues libraires : « Il faut arrêter d’avoir peur, ce n’est pas à nous d’avoir peur. On porte des valeurs, on a une conscience, on est informé. On a accès à des livres de chercheurs, à des romans, de la poésie, c’est notre rôle de transmettre tout ça. »