Le journaliste et traducteur gazaoui Ibrahim Badra interpelle une nouvelle fois la communauté internationale, son silence, sa complicité. « Si vous voulez nous tuer, faites-le d’un coup », écrit-il, alors qu’il ne croit guère aux chances du cessez-le-feu.
Tous les jours, la mort coule à flots dans une rivière de sang qui ne s’est jamais arrêtée depuis deux ans – et tout le monde s’en fout. Le cessez-le-feu est un drame sordide dont on connaît la fin avant même qu’elle ne soit écrite. Le cessez-le-feu annoncé est constamment violé, et des vies sont perdues.
Et personne ne parle. Personne ne bouge. Personne n’ose agir. Pourquoi ? Est-ce pour engranger des profits aux dépens de nos vies de Palestinien·nes ?
Depuis le 7 octobre 2023, la bande de Gaza subit une tragédie humanitaire sans précédent – un génocide, pas une guerre. Selon le ministère de la santé palestinien à Gaza, le bilan s’élevait, le 4 septembre 2025, à 64 231 martyrs, et plus de 161 583 blessé·es.
Entre le 18 mars et aujourd’hui, 11 699 personnes ont été tuées et 49 542 ont été blessées. Les hôpitaux ont aussi enregistré 2 356 décès provoqués par les pénuries alimentaires et la prétendue « aide états-unienne » (le « piège états-unien »), ainsi que plus de 17 244 blessé·es. En outre, 370 personnes sont mortes de faim ou de malnutrition, dont 131 enfants.
Ces chiffres choquants reflètent seulement une petite part de la souffrance quotidienne des civil·es de Gaza. Ils n’incluent pas les personnes disparues sous les décombres de leur maison ou dans les zones impossibles à atteindre pour les ambulances et la défense civile.
Malgré tout, personne n’agit. Nous vivons au beau milieu d’un silence international honteux qui déshonore chaque être humain sur cette terre.
Que se passera-t-il après tout ce silence ?
L’ONU, une résolution historique
Le 4 juin, les États-Unis ont mis leur veto à une résolution du Conseil de sécurité appelant à un « cessez-le-feu immédiat, inconditionnel, permanent » à Gaza. Quatorze pays ont voté pour, la Russie s’est abstenue. Je ne connais pas la raison de cette décision. Sommes-nous juste des numéros perdus ? Ou le monde nous croit-il encore en vie ?
Quand les États-Unis ont utilisé leur veto pour bloquer la résolution, le représentant israélien auprès des Nations unies, Danny Danon, a attaqué l’ONU, l’accusant de nuire aux intérêts d’Israël et lui reprochant d’opérer à Gaza. Il s’est même demandé « si Israël devait rester membre de l’ONU ». Il a dit tout ça en sachant qu’Israël est le seul État au monde créé grâce à une résolution de l’ONU, avec le plan de partition de la Palestine de 1947 (A/RES/181(II), le 29 novembre 1947).
Et pourtant, personne ne bouge.
D’autres résolutions ont pourtant été votées au fil des années (...)
Ce qui se passe actuellement est une agression barbare continue, un nettoyage ethnique qui a consumé les gens, déraciné les arbres, brisé les pierres, et provoqué des déplacements forcés systématiques. Le silence honteux des Arabes, des pays musulmans et des gouvernements occidentaux contraste avec les sacrifices d’un peuple sans défense qui, à l’inverse d’autres nations, manque d’armes de pointe. Les Palestinien·nes n’ont rien d’autre qu’un cœur qui bat, un souffle court et des corps fragilisés par deux ans de souffrances.
Et personne n’agit.
Où est l’humanité ? Où sont les Nations unies ? Où est le monde face aux événements ? Approuvez-vous ce rôle aveugle et sourd ? (...)
Ce qui se passe découle d’une mentalité coloniale, nourrie par des doctrines religieuses extrémistes qui prônent l’extermination, et non la paix. Et tout le monde se tait. Un massacre a lieu sous les yeux du monde pendant que la communauté internationale se complaît dans son hypocrisie politique.
Ce qui se passe à Gaza est une folie absolue – pas seulement la folie de l’occupation israélienne tuant tout ce qui est palestinien, mais aussi la folie d’un monde silencieux et complice.
Une reconnaissance de papier (...)
L’occupation israélienne commet des crimes odieux contre des civil·es, recourant à la politique de la terre brûlée, dans le silence étrange du monde qui regarde mais ne fait rien concrètement pour stopper cette folie. Le monde regarde comme si la souffrance des Palestinien·nes ne méritait pas d’attention particulière, comme si le sang palestinien n’avait pas de valeur.
Gaza aujourd’hui a un besoin urgent de protection internationale face à ces tueurs brutaux qui continuent d’assassiner sans pitié des enfants, des femmes, les aîné·es et des hommes. Gaza a besoin d’une position ferme du monde pour mettre fin à ce délire que le monde ne peut plus tolérer, excuser ou ignorer.
Le monde est ravi d’annoncer qu’il reconnaît l’État de Palestine... mais seulement sur le papier. En réalité, cette reconnaissance ne prévoit pas de protéger ses habitant·es ou ses terres. Cela ne se traduit par aucune action concrète. Les résolutions internationales sont écrites. Les slogans sont lancés. Les Palestinien·nes restent des martyr·es dans le silence du monde et l’hypocrisie des politiques.
La reconnaissance est devenue un slogan fantaisiste pendant que le droit à la vie et à la dignité est bafoué chaque jour. La reconnaissance de quoi ? Nous ne sommes plus des chiffres ? Ou juste une ligne dans une déclaration ? Votre boîte de mots vides de sens est-elle bientôt consommée ?
Un dernier mot à ces gouvernements de la honte : si vous voulez nous tuer, faites-le d’un coup. Ne nous torturez pas avec de fausses déclarations.
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël