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Gauche « antisémite » : l’amnésie très suspecte des médias dominants
#antisemitisme #medias
Article mis en ligne le 15 mai 2025
dernière modification le 13 mai 2025

Les journalistes qui demandent tous les jours à la gauche et plus particulièrement à la France insoumise si elle est « suffisamment claire avec l’antisémitisme » sont-ils, eux-mêmes, complètement clairs sur ce sujet ? Tentative de réponse.

(...) Stéréotypes antisémites et contestation de crime contre l’humanité

Pour répondre à cette interrogation, il faut d’abord rappeler quelques faits récents, puis constater qu’ils ont été rapidement oubliés – rapidement effacés de notre mémoire collective -, puis enfin se demander pourquoi la presse et les médias dominants les ont ainsi occultés.

Voici l’un de ces faits : le 1er juin 2016, l’agitateur d’extrême droite Éric Zemmour, qui travaille alors pour Le Figaro, revient, lors d’un débat public avec le grand rabbin de France, sur ce qu’il appelle « les prémices des lois antijuives » promulguées en 1940 par le régime de Vichy.

C’est-à-dire, plus précisément : les lois qui ont préparé en France la déportation de dizaines de milliers de Juifs vers les camps d’extermination nazis.

Zemmour, depuis la tribune qui lui est ainsi offerte, redit sa conviction que le maréchal Pétain a « sauvé » les Juifs français. Il fait aussi cette déclaration quelque peu hallucinante – et qui doit être longuement citée : « À l’époque, on estime que les Juifs ont pris trop de pouvoir, qu’ils ont trop de puissance, qu’ils dominent excessivement l’économie, les médias, la culture française comme d’ailleurs en Allemagne et en Europe. Et d’ailleurs c’est en partie vrai. Il y avait des Français qui trouvaient que les Juifs se comportaient avec une arrogance de colonisateurs. Et arrive encore l’immigration des Juifs d’Europe de l’Est et de l’Allemagne. La France est le pays qui a reçu le plus de réfugiés. Et c’est la France qui a subi le plus de conséquences. Les médecins français se plaignaient que les médecins juifs leur volent leur clientèle. Il y avait des concurrences terribles. Il y avait des trafics. Il y avait l’affaire Stavisky. Tout ça n’a pas été inventé par les antisémites. Et les Juifs français étaient les premiers à se plaindre des problèmes que posaient les Juifs ashkénazes. »

Il faut relire lentement ces proférations, dont l’auteur décrète donc très tranquillement qu’il y avait du « vrai » dans les abominables stéréotypes antisémites qui ont préparé les esprits à la terreur pétainiste, et que d’ailleurs ces clichés n’ont pas été inventés par les antisémites – lesquels, un siècle plus tard, ne se privent évidemment pas de continuer à les colporter, et doivent se réjouir de ce que leurs immondes extravagances aient ainsi été « en partie » validées. (...)

Au Figaro, cependant, les mots du « polémiste » d’extrême droite ne suscitent aucune émotion particulière : Yves Thréard s’abstient par exemple de soulever publiquement la question de l’antisémitisme, qui pour lui semble être, à ce moment-là, moins « centrale » que lorsqu’il interroge aujourd’hui Manuel Bompard.

Zemmour, cependant, ne démord pas de ses obsessions – et continue de répéter partout que Pétain a « sauvé les Juifs français » : cela lui vaudra finalement d’être condamné à 10 000 euros d’amende le 2 avril 2025, pour « contestation de crime contre l’humanité »…

D’autres que lui, cependant, savent également faire preuve d’une relative indulgence à l’égard de l’homme qui, selon ses propres mots, a fait le choix, en 1940, d’ « entrer dans la voie de la collaboration » avec l’Allemagne nazie. (...)

En 2018, quelques mois après son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron déclare ainsi – avant de renoncer à ce projet qui provoque un tollé - qu’il souhaite « honorer » la mémoire du maréchal Pétain. Car ce complice actif du génocide perpétré par le Troisième Reich était aussi, selon le chef de l’État, un « grand soldat ».

Deux ans plus tard, lors d’une rencontre à l’Élysée avec les députés de sa majorité de l’époque, Macron oppose le « pays légal » au « pays réel », selon une distinction inventée un siècle plus tôt par l’idéologue antisémite Charles Maurras – condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1945 pour « haute trahison » et « intelligence avec l’ennemi » nazi. (...)

Autre fait qui aurait pu retenir l’attention des journalistes sommant aujourd’hui La France insoumise de leur donner des gages de son antiracisme : en 2021, le très droitier ministre macroniste Gérald Darmanin – qui trouve Marine Le Pen « un peu molle » - confectionne un livre fustigeant « le séparatisme islamiste ». On y trouve ces mots édifiants : « Napoléon (…) s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaines de milliers de Juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure, et faisaient troubles et réclamations. »

Comme le relève alors le site Les mots sont importants (1) : Darmanin, « admiratif, ne décèle aucun antisémitisme dans l’analyse de Napoléon », dont il a pourtant été démontré de longue date qu’elle était scientifiquement fausse, et qui repose par ailleurs « sur un argument antisémite majeur puisant dans la - déjà longue – tradition européenne qui considère les Juifs, entre autres, comme des “animaux calculants“, avides d’argent ». (...)

quand des élus insoumis qui n’ont jamais tenu le moindre propos antisémite sont interviewés : il leur est systématiquement demandé par leurs interrogateurs si leur parti est « suffisamment clair avec l’antisémitisme ».

Mais quand les mêmes intervieweurs reçoivent très courtoisement des éminences réactionnaires – et, le cas échéant, ouvertement racistes – ayant tenu des propos dont le moins qui se puisse dire est qu’ils étaient extraordinairement problématiques : jamais – jamais – ils ne leur rappellent ces fâcheuses déclarations.

En somme, ce n’est que lorsque son invocation leur permet d’attaquer une gauche qui refuse de transiger avec l’extrême droite, que ces journalistes quelque peu engagés font preuve, sur ce sujet, d’une – fort louable – sensibilité.

Les discours flirtant (dans le meilleur des cas) de très près avec l’antisémitisme leurs sont par contre tout à fait indifférents lorsqu’ils sont tenus par des personnalités de droite – puisqu’il s’abstiennent systématiquement de les rappeler à leurs auteurs.

Ces journalistes instrumentalisent donc la lutte contre l’antisémitisme, pour l’asservir à une entreprise de stigmatisation de la gauche. (...)