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Mediapart
François Bayrou forme un gouvernement zombie
#Bayrou #gouvernement
Article mis en ligne le 24 décembre 2024

Le premier ministre a conservé la moitié du gouvernement Barnier, pourtant censuré. Le reste est essentiellement constitué de revenants des trois derniers quinquennats, à l’image de Manuel Valls nommé aux outre-mer. Un exécutif toujours minoritaire et soumis au bon vouloir du RN, qui a déjà obtenu la tête de Xavier Bertrand.

Quand sort, en 2023, le quatrième opus de la saga Expendables, les critiques cinéma sont unanimes : c’est celui de trop. (...) « Tout cela devient un peu répétitif et manque d’imagination, cingle à l’époque Le Parisien. On voit venir les rebondissements à des kilomètres. »

Pour constituer son gouvernement, François Bayrou a lui aussi rappelé d’anciennes figures, mais cela n’épate guère plus de monde. Dix jours après sa nomination, le premier ministre a dévoilé une équipe gouvernementale marquée par le retour aux affaires de plusieurs protagonistes de la vie politique française des vingt dernières années. Les anciens premiers ministres Manuel Valls et Élisabeth Borne font leur retour, tout comme les ex-ministres Gérald Darmanin, François Rebsamen, Aurore Bergé, Juliette Méadel, Amélie de Montchalin et Patricia Mirallès. (...)

Débarquée de Matignon après une année 2023 où elle a fait adopter coûte que coûte la réforme des retraites et la loi immigration, empêchée d’accéder à la présidence du parti Renaissance par son successeur à Matignon, Gabriel Attal, Élisabeth Borne revient avec un grand ministère taillé sur mesure : celui de l’éducation, élargi à l’enseignement supérieur et à la recherche. Elle aura le statut de ministre d’État et de numéro 2 du gouvernement.

Même retour en grâce pour Gérald Darmanin, qui avait quitté le ministère de l’intérieur après la débâcle du camp présidentiel aux législatives anticipées de 2024. L’élu de Tourcoing (Nord) est le nouveau ministre de la justice, à qui il reprochait ces dernières années de bafouer la présomption d’innocence lorsqu’il s’agissait de policiers ou dont il se targuait de contourner certaines décisions – en l’occurrence celles de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), fin 2023.

Accusé d’avoir profité de sa position dominante d’élu pour obtenir des faveurs sexuelles et un temps visé par une plainte pour viol – la procédure s’est conclue par un non-lieu en 2022 –, Gérald Darmanin est nommé Place Vendôme quelques jours seulement après l’épilogue du procès des viols de Mazan, dont les débats ont provoqué une onde de choc dans toute la société française. À la chancellerie, il devra porter la loi sur l’introduction du non-consentement dans la définition pénale du viol.

La tonalité du gouvernement Bayrou est encore plus à droite que le précédent (...)

Le binôme Retailleau-Darmanin à l’intérieur et à la justice a quelque chose d’inédit, tant il vient broyer l’équilibre – même précaire – qui préexistait jusque-là entre les deux ministères. (...)

Entre Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, la suite devrait ressembler à une surenchère répressive et sécuritaire (...)

Le RN plus puissant que jamais

Le message politique envoyé par François Bayrou est à l’inverse de la mission qu’avait fait mine de lui confier le président de la République : ne plus dépendre du Rassemblement national (RN), élargir le « socle commun » et convaincre le Parti socialiste (PS) de ne pas voter de nouvelle motion de censure.

Pour le premier point, c’est raté. Reçu et consulté par le premier ministre, le parti d’extrême droite a pu apposer sa patte sur la composition du gouvernement. Dans un communiqué acide, Xavier Bertrand, le président LR de la région Hauts-de-France, a annoncé avoir refusé d’entrer au gouvernement après que François Bayrou lui a signifié que le poste de ministre de la justice ne pouvait lui échoir « en raison de l’opposition du RN ».

« En dépit de ses nouvelles propositions, je refuse de participer à un gouvernement de la France formé avec l’aval de Marine Le Pen. Accepter à ces conditions aurait été le reniement de mes valeurs, de mes engagements et de mes combats », écrit l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qualifiant de « faute » la façon dont l’exécutif a choisi de « composer avec l’extrémisme ». (...)

Pour l’élargissement du « socle commun », c’est raté aussi. (...)

Après avoir ignoré tous ses appels du pied – et ils furent nombreux – depuis 2017, Emmanuel Macron a fini par accepter le retour de Manuel Valls dans l’exécutif. L’ancien premier ministre hérite du statut de ministre d’État et du portefeuille des outre-mer – c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que la question ultramarine bénéficie d’un tel rang dans l’ordre protocolaire.

Mais la personnalité pour le moins clivante de Manuel Valls – qui s’était récemment reconverti comme consultant pour le royaume du Bahreïn après avoir perdu tous ses mandats électifs – a de quoi inquiéter. (...)

La nomination de l’ancien premier ministre prouve aussi que les défaites électorales ne sont pas un critère de non-recrutement. Comme lui, Patrick Mignola et Amélie de Montchalin ont été battus aux législatives de 2022. Et comme lui, ils entrent au gouvernement, l’un aux relations avec le Parlement, l’autre aux comptes publics. Éliminée dès le premier tour aux législatives anticipées, Patricia Mirallès fait elle aussi son retour aux anciens combattants.
La censure à l’horizon

Pour en revenir à l’arithmétique parlementaire, la liste annoncée lundi ne devrait avoir que peu d’impact sur l’attitude des groupes d’oppositions et, in fine, sur la durabilité du nouveau gouvernement. Au vu des 19 ministres de Michel Barnier conservés par son successeur, on en vient à se demander : qu’ont retenu Emmanuel Macron et François Bayrou de la chute du dernier premier ministre ?

Contre toute logique, François Bayrou a mis ses pas dans ceux de son prédécesseur : même alliance, même nombre insuffisant de député·es en soutien, même centre de gravité à droite et mêmes orientations d’ensemble. C’est un remaniement comme la Ve République en a connu des dizaines : une nouvelle tête, une approche d’apparence sensiblement différente, mais un chemin qui reste le même (...)

Une fois nommée, la nouvelle équipe devra s’atteler à reprendre la copie budgétaire de Michel Barnier tout en lui évitant la même fin.

La mission paraît d’autant plus périlleuse que rien, ces dix derniers jours, n’a permis au nouvel exécutif de faire le moindre pas dans cette direction. La gauche, même socialiste, n’a cessé de répéter qu’elle avançait sur le chemin d’une motion de censure, faute de concession du pouvoir. La première occasion devrait se présenter à elle le 16 janvier, deux jours après la déclaration de politique générale de François Bayrou.