
Un rapport de la commission d’enquête parlementaire met en avant les défaillances dans la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) en France. Les députés révèlent aussi que l’accueil des étrangers diffère largement de celle des jeunes français, notamment sur la question de logement. "Les conditions d’hébergement des MNA sont souvent parmi les plus précaires qui existent en protection de l’enfance", selon le rapport.
Un nouveau "cri d’alarme" face à un système "qui craque de toutes parts". Un rapport de la commission d’enquête parlementaire alerte, une nouvelle fois, sur les conditions d’accueil des enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il s’agit du "13e publié sur la crise de la protection de l’enfance depuis 2022", assure à l’AFP Didier Tronche, président de la Cnape, la principale fédération d’associations de protection de l’enfance.
Dans le document de plus de 500 pages, une petite partie s’intéresse aux mineurs non accompagnés (MNA) accueillis en France. Et le constant des députés est sans appel : ces jeunes "subissent trop souvent une prise en charge low cost". (...)
L’évaluation de l’âge des jeunes en question (...)
Les entretiens sont "souvent extrêmement lapidaires, voire expéditifs", alors qu’ils conditionnent leur protection en France. (...)
En 2022, un rapport de la Défenseure des droits dénonçait déjà que les jeunes se déclarant mineurs soient "confrontés à des processus d’évaluation peu respectueux de leurs droits, à la remise en question de leur état civil, de leur identité, de leurs parcours et leur histoire, et à des réévaluations multiples de leur situation".
Résultat : "Certains jeunes sont déclarés majeurs à tort et se retrouvent exclus des dispositifs de protection de l’enfance, les condamnant à l’errance et à la précarité, même dans le cadre d’un appel de cette décision", rapportent les députés.
Lorsque les mineurs isolés sont déboutés par les services départementaux - qui ont la charge de l’accueil des enfants - ils déposent le plus souvent un recours auprès du juge des enfants. Durant cette période d’attente, qui peut durer plus d’un an, les jeunes sont livrés à eux-mêmes dans les rues. (...)
Pour éviter cette errance et la précarité qui va avec, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale reprend une vieille demande des associations : opter pour la présomption de minorité "jusqu’à la décision de justice lorsqu’il saisit le juge pour contester la décision du département". Autrement dit, les députés souhaitent que les jeunes bénéficient d’un accueil provisoire dès leur premier entretien jusqu’à la décision finale du juge des enfants.
Une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été déposée le 21 janvier 2025 par le député Jean-François Coulomme de la France insoumise (LFI).
"Conditions de prise en charge dégradées par rapport aux autres enfants" (...)
La disparité se fait surtout sur le logement. "Les conditions d’hébergement des MNA sont souvent parmi les plus précaires qui existent en protection de l’enfance", insistent les députés (...)
Les mineurs isolés étrangers étaient surreprésentés parmi les jeunes placés à l’hôtels, lorsque ce type d’hébergement était encore autorisé par la loi. La loi Taquet de 2022 interdit depuis le 1er février 2024 de loger des mineurs, étrangers ou français, dans des hôtels. Mais certains départements continuent d’héberger des jeunes dans ces structures, "en toute illégalité".
Selon le rapport, 5% de l’ensemble des jeunes pris en charge par l’ASE sont hébergés dans les hôtels sociaux. Et parmi eux, 95% sont des mineurs étrangers.
Ce mode d’hébergement est pourtant totalement inadapté à cette population isolée, sans famille et sans entourage en France, et sans une connaissance de la langue française pour la plupart. "Ils se retrouvent ainsi sans repères" et "deviennent des cibles faciles pour les réseaux criminels, la prostitution ou le travail clandestin", préviennent les rapporteurs.
La France a été condamné à plusieurs reprises "en raison de carences dans sa procédure de mise à l’abri et d’évaluation des MNA", rappelle la commission d’enquête. Dernier jugement en date : en janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour "absence de protection" d’un mineur guinéen. (...)