
France : un an après la loi immigration, les associations pointent "les conséquences dramatiques sur la vie" des étrangers
Une quarantaine d’ONG, associations et syndicats ont dressé mardi un "triste bilan des droits bafoués" des personnes étrangères, un an après la promulgation de la loi immigration en France. Et ce, alors que, selon les militants, le débat public est "saturé de stigmatisations" relayées par la droite dure et l’extrême droite à l’encontre des exilés. (...)
"Depuis un an, les choses n’ont cessé de s’aggraver", a déploré Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade, lors d’une conférence de presse organisée mardi 28 janvier par une quarantaine d’ONG, associations et syndicats, à Paris. "On ne peut pas encore mesurer tous les effets de la loi mais on voit déjà les conséquences dramatiques sur la vie des gens".
"Fabrique de personnes sans papiers"
Dans un communiqué, les militants estiment que le texte "n’a eu d’autre objectif que de renforcer une fabrique de personnes sans papiers, au prix d’une politique systématique d’enfermement et d’expulsion".
En cause notamment, l’allongement de la première période légale de rétention, qui correspond au délai avant d’être présenté à un juge. La loi Darmanin a fait passer cette période de 48 heures à quatre jours, permettant ainsi aux exilés enfermés dans les centres de rétention (CRA) d’être expulsés dans ce délai sans être passé devant un juge. "En 2024, sur la totalité des personnes expulsées depuis les CRA où La Cimade intervient, près de la moitié d’entre elles l’ont été sans avoir été présentées à un juge judiciaire (soit pendant les premiers jours de rétention)", expliquent les ONG dans leur rapport. (...)
La maitrise du français, exigée par la loi Darmanin, est aussi perçue comme un vecteur d’exclusion. (...)
Si cette mesure n’est pas encore entrée en application sur tout le territoire national, certaines préfectures exigent déjà des diplômes de français. (...)
Selon l’étude d’impact du gouvernement citée dans le rapport des associations, l’exigence d’un niveau A2 en langue française empêchera la régularisation de 20 000 personnes chaque année.
En outre, la loi Darmanin avait instauré une régularisation "à titre exceptionnel" des travailleurs sans-papiers employés dans les métiers en tension (bâtiment, restauration, aide à la personne…). Mais, un an après sa promulgation, "force est de constater que son effectivité reste encore largement à démontrer", affirment les associations dans leur rapport. Cette mesure était pourtant particulièrement attendue par les travailleurs étrangers.
Un débat public "saturé de stigmatisations"
Les défenseurs des droits des migrants, et les exilés eux-mêmes, dénoncent par ailleurs un débat public "saturé de stigmatisations". "Le climat de défiance envers nous est de plus en plus fort", observe Anthioumane Touré de l’intercollectif des sans-papiers. "Les étrangers sont vus comme des indésirables alors que la majorité travaille et paye des impôts", insiste-t-il.
Depuis son arrivée à la tête du ministère de l’Intérieur en septembre 2024, Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure sur l’immigration, a multiplié les déclarations sur la suppression de l’Aide médicale d’État (AME), l’augmentation des expulsions, le restriction du droit du sol à Mayotte…
Jeudi 23 janvier, le ministre est passé de la parole aux actes en présentant une nouvelle circulaire qui vise à durcir les règles concernant l’obtention des cartes de séjour à titre exceptionnel des étrangers en situation irrégulière. Aussi appelée "admission exceptionnelle au séjour" (AES), de nombreux travailleurs sans-papiers comptent sur ce dispositif en France pour être régularisés. (...)
Dans l’optique de délivrer des titres de séjour "au compte-gouttes", cette nouvelle circulaire porte notamment à "au moins sept ans" la durée de présence requise en France pour un étranger qui demande une régularisation via l’AES, contre cinq ou trois ans auparavant. (...)
Les mots du Premier ministre François Bayrou, interrogé lundi 27 janvier sur LCI, sur un "sentiment de submersion" en matière d’immigration, renforcent la "surenchère insupportable inspirée par les extrêmes droites", tonnent les militants. "Ce type de propos étaient jadis réservés à la droite et à l’extrême droite mais le Premier ministre n’est pas le seul. Il y avait dans la loi Darmanin, la préférence nationale, le président de la République a, lui, pu parler de politique immigrationniste, il y a aussi l’obsession sur l’AME. Tout cela illustre une fuite en avant et le franchissement de lignes rouges", a fustigé Fanélie Carrey-Conte de La Cimade.