
Début février 2024, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est informée par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) que dans ses laboratoires de recherches de Marcoule (Gard), des substances radioactives ont été déplacées sans tenir compte d’un principe de base : la réaction nucléaire, c’est à dire la fission des atomes, peut démarrer toute seule, il suffit de rassembler suffisamment de matière au même endroit.
Dans l’installation joliment nommée Atalante (pour ATeliers alpha et laboratoires d’analyses des transuraniens et d’études de retraitement), le CEA mène des recherches sur le combustible nucléaire usé et les produits de fission (les cendres résultant de l’irradiation du combustible des centrales nucléaires, les déchets ultimes [1]). Ces substances ont une forte activité radiologique et sont extrêmement dangereuses. On aurait pu croire qu’étant donnée la dangerosité des activités menées par le CEA dans ses laboratoires du Grad, le personnel aurait été suffisamment formé et informé par leur employeur sur les règles à respecter et les risques générés par ces substances ultra-radioactives. Manifestement, ce n’est pas le cas. (...)
Le 1er février 2024, un contrôle technique est fait sur une intervention qui a eu lieu 6 jours plus tôt. (...)
C’est à ce moment-là que le CEA réalise que plusieurs règles n’ont pas été respectées : le cahier qui permet de compter la masse de matières radioactives présente dans un endroit n’a pas été rempli comme il se doit, pas plus que le logiciel de suivi, qui permet de savoir si la masse limite n’est pas atteinte. Ces enregistrements sont pourtant ce qui permet de gérer un des principaux risques avec les matières fissiles, le risque de criticité. (...)
En déplaçant des matières fissiles d’un labo à l’autre sans calculer avant si la masse critique ne serait pas atteinte, c’est donc le risque de faire démarrer une réaction nucléaire qui a été pris, sans aucun moyen de contrôler cette réaction en chaîne.
Il s’est avéré après coup que la quantité critique n’a pas été atteinte dans le local où ont été apportées les matières nucléaires. Mais l’incident soulève de nombreux problèmes dans cette installation. (...)
Les moyens humains sont-ils suffisants ? L’organisation interne permet-elle au personnel de faire leur travail sans générer de risques supplémentaires ?
Que le CEA ne déclare l’incident aux autorités qu’une semaine après l’avoir découvert montre là encore un problème de suivi et de réactivité. (...)
Si l’exploitant nucléaire ne donne pas les moyens au personnel de s’approprier les outils de travail, si l’organisation mise en place ne leur permet pas de détecter les risques et les erreurs, les travailleur·es ne seront toujours pas suffisamment protégés et les incidents continueront d’arriver.
Ce que dit l’ASN :
Non-respect d’une règle de prévention du risque de criticité lors d’un transfert de matière fissile entre deux laboratoires (...)