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le Café Pédagogique
Évincé du CSL, Alain Policar réagit
#educationNationale #Laicite #AlainPolicar
Article mis en ligne le 27 avril 2024
dernière modification le 26 avril 2024

Dominique Schnapper, présidente du Conseil des Sages de la Laïcité et des Valeurs de la République (CSL) aura fini par avoir la peau d’Alain Policar, membre du conseil dont la nomination par l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye avait fait polémique. À l’opposé d’une vision « intransigeante » de la laïcité portée par « ceux qui la transforment en valeur identitaire et, ainsi, contribuent à valider le soupçon selon lequel certaines parties de la population ne pourraient, en raison de leur foi, se plier à ses exigences » , le sociologue se dit être « fidèle au principe de laïcité en insistant sur sa consubstantielle dimension d’inclusivité ». Il répond aux questions du Café pédagogique.

Comment avez-vous appris votre « éviction » ?

Après une lettre de Dominique Schnapper, présidente du CSL, à la ministre de l’Éducation nationale, dans laquelle elle réclamait mon éviction, j’ai été reçue par Nicole Belloubet, le lundi matin. Il m’alors été confirmé que mon départ était souhaité. La ministre a annoncé ma « démission » lors de la séance plénière du Conseil l’après-midi même. En réalité, je n’ai pas, au sens strict, démissionné : j’ai été démis.

Que vous reproche la ministre ?

Elle juge mes positions à propos de la loi du 15 mars 2004 incompatibles avec ma fonction de membre du CSL. Je lui ai dit que tel n’était pas mon point de vue : un expert n’est pas un fonctionnaire d’autorité et il est, dès lors, supposé garder sa liberté de parole. Rien, par conséquent, n’empêche un membre du Conseil d’avoir un avis réservé sur l’application de la loi de 2004 et de l’exprimer. On doit même considérer qu’il s’agit là d’un gage de pluralisme, de nature à renforcer la légitimité de l’institution. (...)

Je pense être plus fidèle au principe de laïcité en insistant sur sa consubstantielle dimension d’inclusivité que ceux qui le transforment en valeur identitaire et, ainsi, contribuent à valider le soupçon selon lequel certaines parties de la population ne pourraient, en raison de leur foi, se plier à ses exigences. Je crois l’être plus également lorsque je mets l’accent sur la nécessité de rendre accessibles les fondements de ce principe que ceux qui refusent de chercher à comprendre les causes du soupçon de partialité que la loi de 2004, du moins son application zélée, alimente.

Et, parmi les causes de ce soupçon, j’insiste, contrairement à la vulgate dominante, sur notre passé colonial et, en l’espèce, sur les cérémonies imposées de dévoilement des femmes musulmanes en Algérie (...)

Une semblable attention au passé n’est pas ignorance de notre présent, et des dangers que fait courir l’islamisme politique, tout particulièrement sa volonté de déstabiliser l’École de la République. Mais on peut estimer que la chasse aux signes religieux n’est pas une stratégie efficace contre une telle entreprise. Elle est même, très probablement, contre-productive, car de nature à être instrumentalisée par l’islamisme afin de persuader les musulmans qu’ils doivent se reconnaître avant tout dans la communauté des croyants, plutôt que dans celle des citoyens. En revanche, la volonté des élèves, et de leurs familles, de se dispenser de certains enseignements doit être fermement sanctionnée, les fondements en la matière étant autrement consistants que ceux concernant le port du voile.

Que dit cette éviction de la vision de la laïcité promue par Nicole Belloubet ?

Je ne ferai pas porter l’essentiel de la responsabilité sur la ministre. La laïcité intransigeante, fermée à la tolérance, s’est installée en France dès 1989 et est devenue une véritable religion civile tout au long de notre siècle. Qui dit religion, dit dogme et gardiens du temple. Et ces derniers sont nombreux, le Printemps républicain en tête dont l’obsession sur le voile confine à l’islamophobie. (...)

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 (Mediapart)
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Le politiste a été démis de ses fonctions au Conseil des sages de la laïcité à cause de ses critiques sur la loi de 2004 interdisant le voile à l’école. Il déplore cette décision qu’il attribue à « des idéologues, partisans d’une laïcité intransigeante ».

Alain Policar, auteur en 2022 de L’Universalisme en procès (Le Bord de l’eau), appelle les républicains autoproclamés à s’ouvrir aux critiques post-coloniales et décoloniales. Dans un ouvrage plus récent, La Haine de l’antiracisme (Textuel), il prend à revers la critique du « wokisme » répandue jusque dans les rangs de la majorité présidentielle. Reçu par Mediapart peu après sa nomination, il se disait optimiste sur sa possibilité de s’exprimer dans cette instance : « Le débat est possible », affirmait-il.

Moins d’un an plus tard, le voilà pourtant démis de ses fonctions par la ministre de l’éducation nationale, Nicole Belloubet (il quittera son mandat d’ici au 30 juin). Sa faute a consisté à avoir exprimé des critiques sur l’application de la loi sur la laïcité en milieu scolaire après l’affaire du lycée Maurice-Ravel (à Paris).

Dans une interview à RFI, il déclarait le 5 avril : « Le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leurs milieux –, et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas. » (...)