Il n’y aura pas de réelle souveraineté sans la maîtrise de nos espaces numériques.
On rapportait la semaine dernière que le juge français Nicolas Guillou, détaché auprès de la Cour pénale internationale (CPI) était privé d’accès à Google, Amazon, Microsoft, PayPal, Visa ou Mastercard. Ce juge préside la CPI sur la situation en Palestine. Le gouvernement Trump lui reproche d’avoir inculpé des dirigeants israéliens pour crimes de guerre. En clair, on le punit comme un criminel notoire pour des gestes faits dans le cadre de ses fonctions de juge.
Voilà une illustration des dangers de la dépendance à des infrastructures contrôlées par des entreprises qui s’aplaventrissent devant les diktats autoritaires du gouvernement Trump.
Notre dépendance à l’égard des entreprises technologiques américaines est telle qu’une simple saute d’humeur du président Trump pourrait paralyser la quasi-totalité de nos infrastructures connectées. Lorsqu’un pays tolère qu’un président invente des « urgences » pour justifier de lancer des militaires aux trousses de ses citoyens ou construire des camps de concentration pour immigrants décrétés « illégaux », il est impossible d’écarter la possibilité de mesures hostiles à l’encontre des infrastructures canadiennes d’Internet.
Ici comme ailleurs, on ne considère plus comme de la politique-fiction les possibilités que le gouvernement américain impose des mesures draconiennes à l’encontre des autres pays, surtout ceux qui croyaient être des alliés. (...)
Au cours des dernières décennies, nos gouvernements et organismes publics ont laissé nos espaces numériques glisser dans une profonde dépendance à l’égard de Microsoft ou d’AWS (Amazon Web Services). L’hébergement et le traitement des données des citoyens sont à la merci des sautes d’humeur américaines. Des politiciens persistent à communiquer leurs messages par « X » ou Facebook. Même les médias pourtant censurés par Meta maintiennent les liens avec Facebook et d’autres plateformes américaines. C’est sans compter l’extrême dépendance de la plupart de nos médias et institutions à l’égard de Google et de YouTube.
La dépendance envers des prestataires américains qui peuvent à tout moment couper les accès aux infrastructures informatiques est risquée et surtout très coûteuse. (...)
Des solutions à base de logiciels libres et des infrastructures gérées localement sont pourtant disponibles.
Des solutions à base de logiciels libres et des infrastructures gérées localement sont pourtant disponibles. (...)
Des signes d’un réveil
Le récent budget du gouvernement Carney reconnaît la nécessité de « protéger la souveraineté et la sécurité du Canada ». Il faut souhaiter qu’il soit vite suivi de mesures afin de développer les capacités canadiennes dans le numérique et l’intelligence artificielle. Il faut prendre les moyens d’assurer que les données gouvernementales, la recherche stratégique et les services numériques demeureront sous contrôle canadien.
Le 29 octobre dernier, on apprenait que la Commission européenne avait approuvé la création d’un nouveau cadre qui permettra aux États membres de concevoir, de déployer et de gérer ensemble des infrastructures numériques transfrontalières, dotées d’une gouvernance partagée et d’une personnalité juridique propre. Avec cette initiative, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie s’engagent dans la construction d’un modèle européen de coopération et d’investissement dans les communs numériques, au service d’un numérique ouvert, compétitif et souverain, fidèle aux valeurs européennes. (...)
la chercheuse Eve Gaumond rappelle les trois volets de la souveraineté numérique. Un premier volet consiste à garantir la souveraineté infrastructurelle essentielle à la sécurité d’un État et de ses citoyens. (...)
Le second volet, celui de la souveraineté économique, impose de privilégier les entreprises locales aux entreprises étrangères. (...)
Enfin, le troisième volet, celui de la souveraineté réglementaire (...)
Réduire notre dépendance numérique afin de se protéger des sautes d’humeur de Trump est incontournable. Mais dans une société où plusieurs semblent plutôt s’inquiéter des prières de rue, sommes-nous prêts à faire ce qu’il faut pour assurer notre souveraineté numérique ?
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– (Next en 2023)
pas de réelle souveraineté sans la maîtrise de nos espaces numériques.
Les avis et rapports sur le cloud se multiplient sans réelle avancée pour le moment. C’est au tour de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes de publier sa liste de dix recommandations, sous la forme de « mesures concrètes et réalistes »… en attendant de voir si la question va enfin devenir centrale aux niveaux français et européen. (...)