Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
France3
ENQUÊTE PFAS. Le scandale Daikin passé sous silence : des tonnes de “polluants éternels” rejetés dans l’air
#polluantseternels #PFAS #DAIKIN #BPAF #REACH
Article mis en ligne le 4 avril 2024
dernière modification le 3 avril 2024

Sur la plateforme de Pierre-Bénite, au sud de Lyon, où la contamination aux PFAS a été découverte il y a deux ans, on pointe souvent le géant Arkema. France 3 Rhône-Alpes, en collaboration avec Médiacités, révèle aujourd’hui que Daikin émet plusieurs tonnes de “polluants éternels” dans l’atmosphère. Malgré cela, l’industriel japonais a ouvert une unité qui utilise une nouvelle substance controversée, le bisphénol A fluoré.

(...) "Daikin, ça a toujours été l’enfant sage, on pensait qu’ils se tenaient plus ou moins à carreaux et on avait baissé la garde”, explique Claudie Grisard, membre du collectif “PFAS contre Terre” qui vient de se créer pour lutter contre la pollution aux per- et polyfluoroalkylées (PFAS) révélée il y a deux ans à Pierre-Bénite. Bioaccumulables, persistantes dans l’environnement et toxiques pour la plupart, ces molécules ont été utilisées pendant des années sur la plateforme. (...)

L’entreprise a même reçu les félicitations des pouvoirs publics pour avoir installé une station de traitement dès 2017. “On s’est bien moqués de nous”, grince aujourd’hui Claudie Grisard.

La militante veut parler de la construction, il y a quelques mois, d’une nouvelle unité de production qui emploie des additifs fluorés. (...)

L’annonce a provoqué la colère du collectif et des habitants, mais Claudie Grisard ne sait pas tout. Une enquête de France 3 Rhône-Alpes et Médiacités révèle aujourd’hui qu’en plus d’avoir ajouté une molécule toxique à son palmarès de PFAS rejetés dans l’environnement, le fabricant émet dans l’air une substance susceptible de provoquer le cancer jusqu’à 1 800 fois la norme applicable.

Le BPAF, “cousin” du bisphénol A… (...)

si le BPAF est moins étudié que son cousin, le bisphénol A (BPA), “il a une structure chimique très proche”, indique Gabriel Livera, chercheur en toxicologie à l’Institut de biologie François Jacob (Fontenay-aux-Roses) et spécialiste de cette famille de composés. “Leurs mécanismes d’action sont très similaires, ce qui explique que les conséquences soient similaires. Le BPAF a un effet reprotoxique très clair, il altère le fonctionnement de la reproduction”, détaille le toxicologue.

La molécule est, depuis 2014, classifiée comme reprotoxique présumé (catégorie 1B) par l’Union européenne, avec une harmonisation à tous les pays membres prévue à l’automne 2025. Le BPAF pourrait également être ajouté à la liste des “substances extrêmement préoccupantes” dans le cadre du règlement européen sur les produits chimiques, REACH. (...)

Cela pourrait créer des catastrophes en affectant le nombre de chromosomes chez l’embryon et conduire à des maladies bien connues, comme la trisomie 21 ou à des fausses couches précoces”, ajoute Gabriel Livera. Le scientifique observe également une “oxydation spectaculaire” de l’ADN qui provoque une “cascade de dérégulation” et “des effets à très long terme” susceptibles de passer d’une génération à l’autre. Et “ça, c’est très inquiétant” conclut-il. (...)

Le BPAF n’est pas réglementé en France (...)

Une substance que ses utilisateurs sont donc prêts à défendre jusqu’au bout, car comme le justifie Daikin dans son dossier à la Direction régionale de l’environnement (DREAL), il s’agit du “ meilleur agent de vulcanisation d’un point de vue performance”. Et si la préfecture exige de l’industriel, d’ici à trois ans, la proposition d’alternatives au BPAF, elle ouvre déjà la voie, dans un arrêté de février 2024, à une dérogation en cas “d’impossibilité technico-économique” de les remplacer.

Interrogée à ce propos, la préfecture rappelle que contrairement au BPA, déjà interdit en France dans les applications de contact alimentaire et certains produits pour les enfants, le BPAF n’est pas encore réglementé dans l’hexagone. (...)

Dans l’air, jusqu’à 1 800 fois les concentrations réglementaires (...)

Depuis que les “polluants éternels” se sont imposés dans le débat public, il y a presque deux ans, “on n’a vu que la partie émergée de l’iceberg”, estime également Pierre Labadie, chimiste de l’environnement et directeur de recherche au CNRS. (...)

De la matière première aux additifs en fin de production, de la fabrication à la fin de vie, c’est toute la chaîne qu’il faut, selon les deux chercheurs, considérer.