Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Infomigrants
En Tunisie, des migrants soudanais portent plainte devant les Nations unies pour mauvais traitements
#Tunisie #racisme #UE #migrants #immigration #expulsions #ONU
Article mis en ligne le 1er juin 2024
dernière modification le 30 mai 2024

En Tunisie, un groupe de 33 personnes, dont 7 enfants, ont été emprisonnées alors qu’elles avaient déposé une plainte auprès du Comité des Nations unies pour les droits de l’Homme. À ce titre, elles auraient dû être protégées par les autorités tunisiennes. Elles avaient été expulsées vers l’Algérie après le démantèlement de leur campement, installé devant les locaux de l’OIM à Tunis, début mai.

La démarche est extrêmement rare. Le 6 mai dernier, un groupe d’une trentaine de Soudanais installés en Tunisie a déposé une plainte auprès du Comité des Nations unies pour les droits de l’Homme.

Ces exilés avaient été enregistrés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) en Tunisie. Depuis plusieurs mois, ils vivaient dans un campement installé devant les bureaux de l’agence onusienne. Mais les lieux ont été évacués par la police dans la nuit du 2 au 3 mai. Des centaines de personnes ont été expulsées et certaines ont également été déportées vers la frontière algérienne.

Le groupe de Soudanais fait partie de ces personnes. "Ils étaient en route vers l’Algérie lorsque le convoi de la police tunisienne est tombé en panne d’essence et les a abandonnés […] à environ 5 kilomètres de la frontière algérienne", a indiqué à InfoMigrants David Yambio, fondateur du compte X Refugees in Libya qui documente la situation des migrants en Libye et en Tunisie. (...)

"Parmi le groupe, il y avait des personnes très fragiles comme des enfants ou des personnes malades. Ils ont été laissés au milieu de nulle part, exposés au danger d’être agressés, maltraités par les autorités ou même par des locaux. Compte tenu de la situation générale en Tunisie, le risque de subir des attaques racistes est très élevé", a dénoncé auprès d’InfoMigrants Lucia Gennari, avocate italienne membre du réseau ASGI (Association for Juridical Studies on Immigration). Selon elle, les personnes ont notamment été empêchées de monter dans des trains pour retourner à Tunis.
"Un risque d’attaques racistes très élevé"

Soutenu par Refugees in Libya et l’ASGI, le groupe a déposé une plainte le 6 mai auprès du Comité des Nations unies pour les droits de l’Homme. "Nous avons contesté le fait qu’ils aient été transférés de force de Tunis vers des régions très éloignées où ils n’avaient pas accès aux produits de base tels que la nourriture, l’eau où les médicaments", a expliqué à InfoMigrants Lucia Gennari.

Quelques jours plus tard, le 11 mai, les autorités tunisiennes ont arrêté le groupe et les migrants ont été emprisonnés dans la prison de Tébourba, une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Tunis. Une femme et ses enfants ont été rapidement libérés mais les autres membres du groupe sont restés en détention pendant plusieurs jours.

"Nous ne savons pas si cela est lié au dépôt de plainte... Probablement pas car les arrestations de migrants sont extrêmement fréquentes en Tunisie malheureusement", a déclaré Lucia Gennari. (...)

Mais la plainte déposée devant le Comité des droits humains des Nations unies n’entraîne pas systématiquement de condamnations, loin de là. "Une fois enregistrée, la communication [ou plainte ndlr] entre dans une phase d’échanges contradictoires entre l’État concerné et les plaignants. La communication et son traitement restent confidentiels jusqu’à ce que le Comité décide de la recevabilité et du bien-fondé de la plainte sur la base des arguments soulevés par l’État et le plaignant et au regard des normes juridiques du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La décision finale du Comité peut prendre jusqu’à 4 ou 5 ans, compte tenu de la durée de la procédure et du nombre d’affaires [en cours]", a indiqué le Comité à InfoMigrants.

Contester le soutien européen à Tunis

Les espoirs de voir l’État tunisien condamné pour ses mauvais traitements envers les migrants sont donc faibles. Mais l’objectif de la plainte est aussi symbolique. "Je pense qu’il est important de contester ce qui se passe en Tunisie et d’essayer de protéger les gens, même s’il s’agit d’un très petit nombre de personnes, plaide Lucia Gennari. Et d’un point de vue plus général, je pense qu’il est important […] d’essayer d’intervenir sur le soutien que les États européens apportent aux autorités tunisiennes, comme ils l’ont fait pour les autorités libyennes." (...)

Nouvelles expulsions

Depuis le dépôt de leur plainte, les exilés soudanais ont été jugés pour "entrée illégale sur le territoire tunisien", comme de plus en plus de migrants dans le pays. À la suite de leur comparution, certains membres du groupe ont pu être placés en sécurité dans un lieu tenu secret mais d’autres ont été de nouveau déportés vers l’Algérie.

Une nouvelle violation du droit (...)

Depuis plusieurs mois, Tunis multiplie les expulsions de migrants vers la frontière algérienne. La plupart de ces exilés cherchent ensuite à revenir vers Tunis ou Sfax. Certains sont attaqués en chemin, voire revendus à des réseaux de kidnapping par les Tunisiens qui les transportent en voiture vers ces villes. Les exilés sont alors torturés et leurs sévices filmés pour extorquer des rançons à leurs familles.