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Mediapart
En s’introduisant sans autorisation dans une université, les députés RN passent « à l’offensive »
#extremedroite #RN #universite
Article mis en ligne le 4 décembre 2025
dernière modification le 3 décembre 2025

Quelques caméras auront suffi au Rassemblement national (RN) pour réaliser ce coup de communication. Sans prévenir, les députés lepénistes Laurent Jacobelli, Julien Odoul et Philippe Ballard ont débarqué mercredi 26 novembre sur le campus de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) de l’université Sorbonne-Paris-Nord, dite Paris 13, pour une visite inopinée.

Si la direction de l’établissement n’a pas été informée de leur venue, la presse alliée avait elle bien été avertie en amont. Des journalistes des médias d’extrême droite Frontières et Boulevard Voltaire ont ainsi pu filmer les pérégrinations des trois parlementaires sur le site.

Comme l’a expliqué Julien Odoul sur place, ces trois porte-parole du RN venaient voir de leurs yeux les supposés « communautarisme » et « entrisme islamiste » à l’université, dans cette commune populaire du nord de la région parisienne. Tout part en réalité d’un article de l’hebdomadaire Valeurs actuelles publié le 17 octobre, faisant état de « cohortes d’étudiantes voilées » et de « prières quotidiennes » dans les couloirs d’une fac transformée en « temple du communautarisme musulman ».

« Nous avons eu la surprise de voir d’abord des journalistes de Valeurs actuelles qui ont filmé sans autorisation et fait un reportage sur notre université, pour faire le buzz avec des infos erronées pour la plupart, ce que nous avons tout de suite condamné », confirme Olivier Houdard, vice-président de l’université Sorbonne-Paris-Nord.

Ce qui n’a pas empêché Julien Odoul de déployer une stratégie désormais bien rodée. Un mois après l’article de Valeurs actuelles, assorti d’une interview sur le plateau Jean-Marc Morandini sur CNews, le député a adressé le 18 novembre à l’Assemblée nationale une question au ministre de l’enseignement supérieur Philippe Baptiste. (...)

L’incident a même obligé l’université à appeler les forces de l’ordre. « C’est insurrectionnel [ici], vous le saviez ?, les a interrogées Laurent Jacobelli en quittant les lieux. Un jour, ça va exploser le truc. » Les trois élus ont rebroussé chemin en jouant la complicité avec les policiers, tout en s’excusant que ceux-ci aient dû se déplacer à cause d’eux. (...)

Jeudi 27 novembre, la présidence de l’université a publié un communiqué sur les agissements des trois élus, condamnant « avec la plus grande fermeté » leur « intrusion sans aucune autorisation préalable ». Le vice-président de l’université confirme que l’institution réfléchit même « à aller plus loin » qu’une simple déclaration publique, après une enquête interne sur les conditions de cette opération médiatique et politique. « Quel que soit leur bord, dit-il, ces élus n’avaient pas à être là, il s’agit de respecter les règles de la République. » (...)

Jeudi 27 novembre, la présidence de l’université a publié un communiqué sur les agissements des trois élus, condamnant « avec la plus grande fermeté » leur « intrusion sans aucune autorisation préalable ». Le vice-président de l’université confirme que l’institution réfléchit même « à aller plus loin » qu’une simple déclaration publique, après une enquête interne sur les conditions de cette opération médiatique et politique. « Quel que soit leur bord, dit-il, ces élus n’avaient pas à être là, il s’agit de respecter les règles de la République. » (...)

Sur place, les étudiant·es oscillent entre colère et incompréhension. Localement, des notes discordantes se font toutefois entendre.
« Après des dizaines de vidéos, il a fallu que les députés viennent sur place, qu’ils s’introduisent illégalement pour que la présidence agisse, déplore Meriem, étudiante en troisième année de licence. Ça fait un mois que ça dure. Des camarades voilées ont été photographiées, filmées, leur image diffusée sur les réseaux. Même floutée, c’est très violent et insécurisant. »

« Nous avons eu plusieurs rendez-vous avec la hiérarchie de l’université, j’ai alerté sur les dangers auxquels nous exposait cette médiatisation », explique aussi Klara*, une étudiante ayant choisi de s’exprimer avec un prénom d’emprunt. La jeune femme confirme aussi que des étudiant·es prient discrètement depuis des années dans l’établissement, faute de lieux dédiés pour le faire.

Elle se désole que cette question n’émerge pas et critique un raidissement sur le sujet depuis l’article de Valeurs actuelles, avec des contrôles et des relevés d’identité des étudiant·es pris·es en train de prier « dans les cages d’escalier ». (...)

L’extrême droite n’a pas ciblé Sorbonne-Paris-Nord par hasard, constate Salomé Hocquard, vice-présidente de l’Unef : « Ils ont choisi une université de banlieue, de proximité, populaire, avec beaucoup de mixité sociale, accessible à toutes et tous. » La militante étudiante inscrit aussi ce « coup » de l’extrême droite dans un contexte plus large, sur lequel l’organisation de jeunesse ne cesse d’alerter, sans être entendue en haut lieu : « On a eu l’offensive de Bruno Retailleau [ex-ministre de l’intérieur – ndlr] contre le voile à l’université, puis les militants de l’UNI [Union nationale inter-universitaire, association étudiante d’extrême droite – ndlr], qui ne cesse de stigmatiser les étudiantes voilées sur les réseaux et prend de plus en plus de place sur les campus… C’est une véritable offensive. »