
En Ardèche, habitants et militants occupent le terrain d’une déviation routière planifiée il y a cinquante ans. La découverte d’amiante sur le chantier a retardé les travaux, leur permettant de relancer la bataille en justice.
Saint-Péray (Ardèche), reportage
« Danger, amiante. » L’avertissement a été inscrit à la bombe dans le salon délabré d’une maison à Saint-Péray, à l’ouest de Valence. Un tas de tuiles en fibrociment, ce matériau de construction en fibres minérales particulièrement résistant, susceptibles de contenir de l’amiante, reposent près de la demeure. Un second bâtiment gît plus loin, éventré. Un tuyau en fibrociment dépasse de ses décombres. Les traces d’une démolition stoppée nette dès que les ouvriers de la déviation de la route départementale 86 (RD86) ont eu vent de la présence de la matière cancérogène.
Ils ont été informés au premier jour des travaux, le 10 octobre, par les militants écologistes du collectif Alterre, opposé à l’artificialisation de cette plaine maraîchère. Trop tard. La poussière de la démolition les recouvrait déjà. Ces salariés d’une entreprise d’insertion étaient venus sans équipement de protection défricher ce lieu, surnommé « Le Nichoir », en amont du chantier de la RD86.
Les travaux ont été ordonnés par la communauté de communes de Rhône Crussol (CCRC), présidé par Jacques Dubay, le maire de Saint-Péray. « Aucun salarié n’a été exposé à l’amiante », jure l’élu à Reporterre. (...)
Des analyses sont en cours pour connaître la dangerosité véritable des lieux. (...)
Du haut d’un bosquet de chênes centenaires, des militants écologistes guettent depuis le 9 octobre le retour des ouvriers. Ils et elles sont déjà une poignée à dormir au creux des arbres. « On restera aussi longtemps qu’on le pourra pour protéger cet espace de biodiversité contre cette route », promet Antoine ], un des « écureuils », ces militants perchés dans les arbres. (...)
La carte du tracé routier sent la naphtaline. Dessiné par l’État il y a cinquante ans, son plan prévoit d’artificialiser 50 hectares de terres agricoles à proximité du Rhône. Estimé à 13,3 millions d’euros en 2012, le coût des travaux atteint aujourd’hui 23,6 millions. La facture sera partagée entre la région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée jusqu’à peu par Laurent Wauquiez, le département de l’Ardèche et la communauté de communes de Rhône Crussol.
Jacques Dubay défend auprès de Reporterre vouloir fluidifier une circulation bouchonnée à l’entrée de sa commune. (...)
Alterre dénonce pour sa part un projet qui n’intègre pas le principe du trafic induit, car toute nouvelle route augmente systématiquement l’usage de la voiture. L’association suspecte également que ce chantier ne prépare la finalisation du « ring » valentinois, le périphérique routier qui entoure Valence. (...)
Une dépendance automobile renforcée par l’absence de transports alternatifs : aucun train de voyageurs ne traverse l’Ardèche depuis 1973. Pourtant, la gare de Saint-Péray est toujours en état d’accueillir des wagons. (...)
Chauves-souris, « corridors écologiques »...
Après avoir perdu un premier recours en mars dernier contre la déviation pour vice de forme, Alterre a déposé le 16 octobre un recours en référé contre l’arrêté environnemental pour démontrer la richesse écologique de la plaine, sous-estimée par l’étude d’impact menée par la collectivité.
Celle-ci est jugée « incomplète » et « obsolète » par une analyse de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Drôme-Ardèche, qui note la « faiblesse des efforts de prospection » avec seulement six passages entre 2012 et 2017 et l’absence de recherches des espèces protégées. (...)