
L’agrivoltaïsme est-il au service des projets agricoles ? S’il peut avoir un intérêt dans des cas particuliers et à très petite échelle, aucune preuve d’un bénéfice agronomique n’a encore été apportée.
Une structure à 5 mètres de haut, des travées métalliques sur lesquelles sont posées des lignes de panneaux solaires qui pivotent sur un axe motorisé en suivant la course du soleil. En dessous, vingt-sept rangées de jeunes arbres plantés au printemps dernier. « C’est joli non ? » C’est surtout surprenant pour un champ de cerisiers.
Arboriculteur à Loriol-sur-Drôme (Drôme), Adrien Clair n’a pas choisi une telle installation pour l’esthétique, mais pour faire face à la multiplication des pépins climatiques : « Il y a deux ans, on a eu le gel, on a perdu la totalité de la récolte des cerises », raconte-t-il. Froid, vent, grêle, sécheresse… (...)
Après un test sur 2 500 m², Clair Fruits a inauguré début septembre une installation agrivoltaïque dite « dynamique » sur une parcelle de 2,8 hectares de jeunes cerisiers. (...)
L’agriculteur y trouve-t-il un intérêt financier ? « Ma priorité, c’est de garantir la production de fruits. Je ne touche rien, pas un sou, ni loyer ni participation au projet », affirme Adrien Clair. Et pas question pour lui de s’endetter. C’est Sun’Agri, l’entreprise à laquelle il s’est associé, qui a mené le chantier et assure la programmation des panneaux comme leur maintenance, en restant propriétaire de l’installation — un modèle qui est loin d’être généralisé, la majorité des agriculteurs touchant une redevance.
Une idée née au Japon (...)
L’entreprise dispose d’une vingtaine de petites installations fonctionnelles, en vallée du Rhône et en Roussillon, et prépare une cinquantaine de projets de 3 à 5 hectares, la surface maximale préconisée par Dupraz lui-même. (...)
Au départ assez isolée sur ce créneau commercial, l’entreprise est désormais rejointe par l’ensemble des énergéticiens : TotalÉnergies, Engie Green, EDF Renouvelables, TSE, Voltalia, Urbasolar… qui portent des projets beaucoup plus imposants. Savoir ce qui relève ou non réellement de l’agrivoltaïsme devient un enjeu essentiel : si les projets entrent dans le cadre de la loi, ils ne seront pas comptabilisés officiellement comme une artificialisation des sols. (...)
Le bon projet, les brutes et les truands
Pour faire accepter l’agrivoltaïsme, encore faut-il éviter de reproduire les schémas du passé. Jusqu’ici, l’intérêt pour l’agriculteur résidait surtout dans les retombées économiques de la production d’électricité. Les années 2010 ont vu fleurir des centaines de hangars, inutiles, mais équipés de panneaux produisant une électricité à l’époque achetée très cher par EDF. En 2019, ce fut au tour des « serres photovoltaïques » de faire scandale. Dans les Pyrénées-Orientales, une enquête administrative avait révélé que deux tiers d’entre elles étaient vides de toute activité agricole la majeure partie de l’année. (...)
Un intérêt agricole faiblement démontré
Si les expérimentateurs semblent très satisfaits du résultat, que dit la science des effets de l’agrivoltaïsme sur la production agricole ? Avant tout, que les résultats probants sont encore très limités. Ensuite, ces références agronomiques concernent des variétés précises pour certaines productions, notamment en arboriculture, maraîchage et viticulture.
Sur le site expérimental de Piolenc (Vaucluse), l’Inrae suit depuis cinq ans l’effet des panneaux sur la croissance de la vigne et du raisin (...)
À la ferme expérimentale d’Étoile-sur-Rhône (Drôme), on se veut prudent quant au bénéfice de l’installation pilote construite en 2021 pour accueillir différentes variétés de pêchers et abricotiers. Oui, il y a bien une « baisse de la consommation d’eau du fait d’une couverture dynamique », a constaté Sophie Stévenin, directrice de ce site de la chambre d’agriculture de la Drôme, mais « les résultats ne pourront s’apprécier que sur cinq ans ».
Pour faire le tri entre tous les modèles et toutes les expérimentations, un pôle national de recherche de l’Inrae vient d’être créé, à Lusignan (Vienne). Y participent cinquante-six partenaires publics et privés. L’un des objectifs est d’arriver à établir à partir de résultats concordants des références par espèces, par variétés, par type de sol et climatologie.
Pour Christian Dupraz, de premiers enseignements généraux peuvent néanmoins déjà être tirés. Réalisant une synthèse d’une trentaine d’expériences aux résultats significatifs dans le monde, le chercheur a conclu dans une publication récente que « le taux de couverture des panneaux — leur surface à plat rapportée à l’hectare — est directement corrélé à la baisse des rendements », qui chutent massivement si ce taux dépasse 25 %. Et pour une raison simple : « Il est impossible d’assurer les mêmes rendements quand on intercepte entre 20 à 50 % du rayonnement solaire, sauf si ces panneaux sont pilotés », affirme le chercheur.
Pourtant, pour les promoteurs de l’agrivoltaïsme, l’enjeu est de couvrir jusqu’à 45 % de la surface à l’hectare. Certains projets s’installent sur de grandes cultures et, surtout, sur les très recherchées terres d’élevage, qui offrent la possibilité d’installations très étendues (...)