Soutien omniprésent de Donald Trump, le milliardaire est appelé à avoir un statut à part aux côtés du futur président. Au-delà de la défense de ses intérêts et de ceux des géants du numérique, le milliardaire ne cache plus ses ambitions politiques pour promouvoir sa vision du monde.
C’estC’est l’autre grand vainqueur de l’élection américaine : la victoire de Donald Trump ouvre des horizons inespérés à Elon Musk. « Jeu, set et match », a réagi le patron de X à l’annonce des résultats provisoires avant de diffuser sur son réseau social une image de sa fusée avec ce commentaire : « Le futur va être fantastique. »
Le patron de SpaceX, Starlink, Tesla et autres est désormais en orbite, en position pour revendiquer lui aussi un pouvoir sans limites, à la fois technologique, financier et politique, qu’il convoite depuis longtemps. « Le vrai vice-président », avait dénoncé le camp démocrate au cours de la campagne. Sans mandat électoral mais avec beaucoup de prérogatives à venir, semble-t-il. (...)
En créant une organisation politique, America PAC, pour soutenir Donald Trump, il a multiplié les dons. Dans les dernières semaines, il n’a pas hésité à offrir 1 million par jour à des électeurs et électrices de Pennsylvanie qui se déclaraient en faveur du candidat républicain. Au total, Elon Musk aurait dépensé, selon les premières estimations, plus de 130 millions de dollars (120 millions d’euros), se hissant au sommet des donateurs dans une campagne marquée par une débauche financière sans précédent.
Donald Trump considère que l’appui d’Elon Musk est si décisif qu’il n’a pas hésité, dès le discours durant lequel il a revendiqué sa victoire, à consacrer de longues minutes à remercier le patron de SpaceX. (...)
Un statut à part
Lors de sa campagne, Donald Trump avait déjà annoncé que s’il était élu, Elon Musk aurait un statut important et à part dans son dispositif présidentiel : il serait chargé d’auditer et de contrôler toutes les dépenses engagées par l’État.
Le milliardaire a déjà des idées très précises sur le sujet : il ambitionne de mener une contre-révolution, qui n’est pas très éloignée du programme libertarien extrémiste du président argentin Javier Milei. (...)
Dans le même temps, le milliardaire, qui a été biberonné à l’argent public depuis ses débuts, compte faire rentrer parmi ses clients la totalité des agences fédérales et des ministères. En 2023, pas moins de dix-sept d’entre eux ont signé des contrats avec ses entreprises, pour une valeur dépassant les 3 milliards de dollars.
Mais Elon Musk veut plus : il attend que l’ensemble de l’appareil d’État se mette à sa disposition. À commencer par le Pentagone et la Nasa qui lui ont déjà accordé pour 15 milliards de dollars de contrats sur le long terme.
Pour la Nasa, l’affaire est déjà presque pliée : ses avancées spatiales spectaculaires d’un côté, les déboires de son concurrent Boeing de l’autre, lui ouvrent toutes les portes. D’autant que Boeing envisage de se séparer de toute son activité spatiale.
À terme, Musk ambitionne d’aller plus loin et d’imposer son réseau satellitaire Starlink comme le réseau états-unien, réduisant à la portion congrue, voire faisant disparaître tous les systèmes publics utilisés notamment par la Défense, pour ne s’en remettre qu’au seul pouvoir du privé. En l’occurrence le sien. (...)
Dans sa ligne de mire, se trouvent notamment la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier, les autorités antitrusts et le Département de la justice (DOJ) qui mène les enquêtes financières et lutte contre la criminalité en col blanc.
Elon Musk a à son endroit une vingtaine d’enquêtes et de poursuites judiciaires en cours. Il a été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises par le gendarme boursier pour ses messages sur X au sujet des performances – alors erronées – de Tesla qui ont contribué à faire monter le cours du constructeur automobile, dont il est le premier actionnaire.
Il a également été convoqué par la justice, à la demande de la SEC, pour s’expliquer sur son rachat de Twitter, la SEC suspectant une enfreinte à la réglementation boursière. Jusqu’à présent, il a refusé de répondre à la convocation. (...)
Mais au-delà de ses intérêts personnels, Elon Musk a bien l’intention de mener une lutte contre toutes les autorités boursières et de régulation financière par conviction : comme nombre de ses homologues milliardaires, il entend défendre auprès de Donald Trump, convaincu par avance, la mise en pièces de tout dispositif entravant le pouvoir financier. (...)
faire que la monnaie, toutes les monnaies, échappent au contrôle des États pour évoluer dans le monde libre et sans frontières du capitalisme privé.
Elon Musk se sait attendu sur ces sujets. L’annonce du retour de Trump est saluée par une envolée des places boursières occidentales. À 16 h 30, heure française, le Dow Jones gagnait 3,18 % et le Nasdaq 2,43 %. Et dans la nuit, le bitcoin a brisé un nouveau record à plus de 75 000 dollars, en hausse de plus de 9 %.
Ambitions politiques (...)
Cela fait longtemps qu’Elon Musk lorgne sur le champ politique. Il a pu mesurer sa puissance d’influence grâce à X, qui lui a permis d’y faire ses premiers pas, y compris à l’international.
Il n’a ainsi pas hésité à intervenir directement dans le conflit ukrainien, suspendant l’accès de son réseau satellitaire Starlink aux forces ukrainiennes, puis proposant un plan de cessez-le-feu très proche de celui de Vladimir Poutine, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, comme l’a révélé le Wall Street Journal.
À l’été 2024, il s’est permis de commenter les émeutes xénophobes survenues en Grande-Bretagne après le meurtre de trois fillettes par un commentaire définitif et pousse-au-crime : « La guerre civile est inévitable. » S’attirant les foudres du gouvernement britannique de Keir Starmer. (...)
Même s’il ne peut être candidat à une élection – il est né à Pretoria, en Afrique du Sud –, sauf si la loi américaine change, il a de plus en plus de difficulté à cacher ses ambitions politiques.
La victoire de Donald Trump à peine connue, le milliardaire s’est empressé de dresser un programme pour la suite. Il a annoncé que son organisation politique, America PAC, allait encore « peser lourdement » à l’avenir (...)
le milliardaire a des idées très arrêtées sur la façon dont il convient de conduire le pays et le monde. Enragé de toutes les technologies, il développe une vision d’ordre et de contrôle de tous les instants sur tous les individus.
Sa dernière obsession est l’effondrement démographique du monde – sous-entendu de l’Occident et de l’homme blanc, même s’il ne le dit jamais ouvertement. (...)
Adepte de la procréation artificielle, il a conçu de cette manière la plupart de ses onze enfants. « Il a souvent proposé son propre sperme à ses amies et à ses connaissances », rapporte une enquête du New York Times. Il a aussi fait cette proposition à une candidate à la présidentielle – qui a décliné l’offre – comme à plusieurs salariées de ses entreprises, considérées à « haut potentiel ». Un eugénisme qui ne dit pas son nom.
À l’ère du techno-féodalisme
Face aux déclarations tonitruantes d’Elon Musk, la Silicon Valley a opposé le silence (...)
En quelques années, le secteur du numérique et de la high-tech a basculé. Il n’est plus – ou plutôt ne cherche plus – à s’afficher comme un secteur créatif, tolérant, ouvert à tout. Les succès additionnés les uns après les autres, les dizaines de milliards de profits engrangés chaque année, les capitaux qui se déversent sans discontinuer de Wall Street et d’ailleurs pour profiter de leur expansion et surtout les avancées technologiques en particulier dans le développement de l’intelligence artificielle, ont fait tomber toutes les barrières. Cette puissance mondiale qu’ils cherchaient à minimiser voire à cacher, désormais ils la revendiquent et entendent en disposer sans limites.
La bataille qui s’est livrée l’an dernier autour du contrôle et des développements d’OpenAI, fondatrice de ChatGPT, illustre cette mutation. (...)
OpenAI qui était jusqu’alors une société à but non lucratif est en voie de transformation pour devenir une société comme les autres. Elle se promet de développer toutes les potentialités de l’intelligence artificielle, sans aucune restriction, malgré les mises en garde de nombre de chercheurs et scientifiques.
Comprenant que ces géants étaient en train d’acquérir un pouvoir gigantesque susceptible de contester son pouvoir et ses prérogatives, l’État fédéral, après des années de laisser-faire, s’est brusquement réveillé. Les lois antitrusts ont été réactivées. Google en a été la première cible, menacé de démantèlement par les autorités judiciaires et de la concurrence. (...)
La mena (...) ce aurait pu être mise à exécution en cas de victoire de Kamala Harris. Elle risque d’être vite enterrée par Donald Trump, surtout sous l’influence d’Elon Musk. (...)