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Mediapart
Éducation à la sexualité : les ministres Genetet et Portier réhabilitent la fausse « théorie du genre »
#enfance #sexualite #educationNationale #extremedroite #education #repression
Article mis en ligne le 2 décembre 2024
dernière modification le 29 novembre 2024

C’est le concept chouchou de l’extrême droite. Et pourtant, la ministre de l’éducation, à la suite de son ministre délégué, n’a pas hésité à relancer la polémique autour de la « théorie du genre », hypothéquant le futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, dont Mediapart publie la version désormais contestée. Jeudi, elle a rétropédalé dans la confusion.

Le message est tombé, lapidaire, en fin de journée : la ministre de l’éducation nationale, Anne Genetet, s’« aligne » sur son ministre délégué, Alexandre Portier. Ce dernier vient pourtant de (re)lancer les hostilités, au sujet du futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, qui doit être définitivement entériné à la fin de l’année.

Interrogé par des sénateurs, Alexandre Portier a affirmé mercredi 27 novembre que le programme n’était pas en l’état « acceptable », qu’il était hors de question de « laisser faire n’importe quoi » et qu’il s’engageait, comme « élu et père de famille », à ce que la « théorie du genre » n’ait pas « sa place à l’école ». Et le cabinet de la ministre d’utiliser les mêmes termes, dans les éléments fournis dans la foulée à la presse, ce vocable de « théorie du genre » pour justifier les « modifications » qui seront bientôt opérées sur le programme.

Jeudi 28 novembre, devant la pluie de critiques, la ministre de l’éducation a rétropédalé devant la caméra de BFMTV, à l’occasion d’un déplacement, tout en insistant à plusieurs reprises dans cette intervention sur la « différence filles-garçons, fondamentale ». « La théorie du genre n’existe pas, elle n’existe pas non plus dans ce programme évidemment, on y apprend la différence filles-garçons, on se respecte pour ce qu’on est, et c’est tout. » Visiblement un peu agacée par les saillies de son collègue, Anne Genetet a aussi parlé de « fausses informations » et déclaré qu’il n’y avait qu’une seule ligne : « C’est moi qui pilote ce programme au ministère. »

La « théorie du genre » est l’un des totems préférés de la droite dure et de l’extrême droite depuis plusieurs années. Ce concept, jamais sérieusement défini, charrie toute une série de paniques morales autour de la sexualité et de l’identité, et sert le plus souvent de paravent à une homophobie, une transphobie et un sexisme décomplexé. (...)

La « théorie du genre » a également été investie plus récemment par toute une série de cercles militants très offensifs, comme le collectif Parents vigilants, proche des idées défendues par Éric Zemmour et Marion Maréchal, ou le mouvement SOS Éducation, poreux avec l’extrême droite, qui disent vouloir lutter contre la dérive « wokiste » de l’école, n’hésitant pas à décrire l’éducation à la sexualité (obligatoire depuis 2001) comme son principal cheval de Troie.
La « douche froide »

Alors qu’avait été bâti, pour la première fois, un programme en passe d’être adopté dans une relative tranquillité au sein de l’Éducation nationale, cette volte-face d’Anne Genetet s’apparente à une « douche froide » pour de nombreux acteurs impliqués sur la question, comme le Planning familial, qui intervient devant 150 000 élèves chaque année. « Nous sommes en colère, affirme Sarah Durocher, sa présidente. Entendre les propos des associations anti-droits et anti-choix repris par les membres du gouvernement, c’est insupportable ! »La « théorie du genre » a également été investie plus récemment par toute une série de cercles militants très offensifs, comme le collectif Parents vigilants, proche des idées défendues par Éric Zemmour et Marion Maréchal, ou le mouvement SOS Éducation, poreux avec l’extrême droite, qui disent vouloir lutter contre la dérive « wokiste » de l’école, n’hésitant pas à décrire l’éducation à la sexualité (obligatoire depuis 2001) comme son principal cheval de Troie.
La « douche froide »

Alors qu’avait été bâti, pour la première fois, un programme en passe d’être adopté dans une relative tranquillité au sein de l’Éducation nationale, cette volte-face d’Anne Genetet s’apparente à une « douche froide » pour de nombreux acteurs impliqués sur la question, comme le Planning familial, qui intervient devant 150 000 élèves chaque année. « Nous sommes en colère, affirme Sarah Durocher, sa présidente. Entendre les propos des associations anti-droits et anti-choix repris par les membres du gouvernement, c’est insupportable ! » (...)

En préambule, le texte souhaite que l’éducation à la sexualité, à la vie relationnelle et affective (qui doit être dispensée à raison de trois séances chaque année de la maternelle au lycée) « contribue à la lutte contre toutes les discriminations de sexe, d’identité de genre et d’orientation sexuelle (hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, asexualité) » et « vise à construire une culture commune de l’égalité et du respect ».

En CP, par exemple, il est ainsi question de « faire prendre conscience que le genre, le handicap ou l’état de santé ne sont pas un obstacle pour nouer des amitiés », et de savoir « définir et repérer des stéréotypes de genre et des discriminations ». Le professeur peut faire examiner des catalogues de jouets, des publicités, le choix des couleurs dans les emballages…

En cinquième, les élèves devraient pouvoir identifier ce qui relève de « la détermination du sexe biologique (appareils génitaux mâles, femelles et intersexués), du genre (identité de genre, expression de genre), et de l’orientation sexuelle », afin de « reconnaître et respecter la diversité des corps (morphologie, apparence, etc.), des sexes, des genres, des identités de genre, des orientations sexuelles ».

En troisième, les enfants, alors âgés de 14-15 ans, doivent commencer à pouvoir « caractériser et reconnaître une situation de violences sexuelles (y compris l’inceste), de violences sexistes, de stigmatisation, de discrimination ou de violences fondées sur l’identité de genre, l’orientation sexuelle (LGBT+phobie) ou en raison du statut sérologique (sérophobie) ».

Puis en seconde, « connaître les différences biologiques entre femmes et hommes », tout en comprenant « que les appareils génitaux mâles et femelles sont comparables (clitoris homologue du pénis par la présence de tissu érectile générateur de plaisir ; ovaire et testicule producteurs de cellules reproductrices) », et qu’il existe « des personnes intersexes qui naissent avec des caractéristiques sexuelles (chromosomes, hormones, organes génitaux) qui ne correspondent pas aux définitions types des corps féminins ou masculins ». Comprendre, enfin, que « les différences biologiques entre les femmes et hommes ne déterminent pas les expressions, les comportements et les rôles attribués au genre “masculin” et “féminin” ». (...)

le gouvernement n’en est plus à son coup d’essai dans ses œillades à l’extrême droite, comme le souligne James Leperlier : « La proposition de loi visant les mineurs trans était portée par Les Républicains, la famille politique d’Alexandre Portier. En juin, Emmanuel Macron a déclaré que le changement d’état civil libre et gratuit, c’était ubuesque… On parle de violences sexistes le samedi et on parle de théorie du genre le mercredi, c’est totalement hypocrite. » (...)

Pour Sophie Vénétitay aussi, ce programme est un outil « puissant de prévention » : « Mieux connaître son corps, mieux appréhender la relation à l’autre, parler d’un certain nombre de choses en lien avec la sexualité et le consentement fait partie de la lutte contre les violences sexuelles commises contre les enfants. Comment ces deux ministres peuvent-ils sombrer ainsi dans la caricature ? » (...)