
L’école des mille et un lieux, la commission outre mer et la commission littoral ont le bonheur de vous inviter à un live inédit sur la Polynésie avec le député Tematai Legayic, et Te Ora Naho, la fédération des associations de protection de l’environnement en Polynésie.
Ensemble nous reviendrons sur la Rahui, cet art de gouvernance ancestral, sur les enjeux des lagons et des forêts, sur les perspectives autonomistes de l’archipel polynésien.
Nous tirons de ce webinaire un chemin politique : faire de chaque lieu une terre de relation.
Rendez-vous le 23 Mars, en visio-conférence, à 20H heure de Paris, 9H00 a.m heure de la polynésie.
Nous vous enverrons le lien la veille du live.
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– (Fondation Biodiversité)
Le rāhui polynésien : un modèle ancestral et efficace pour la gestion des ressources naturelles
(...) Une pratique ancestrale
Autrefois pratiqué sur l’ensemble du triangle polynésien, entre la Nouvelle-Zélande, Hawaii et l’île de Pâques, le rāhui jouait un rôle clé dans la gestion durable des ressources naturelles. Il consistait à bannir temporairement l’accès à un espace, ou interdire le prélèvement d’une ressource naturelle, pour favoriser leur régénération pour le bénéfice de toute une communauté. Par exemple, il pouvait protéger une partie de lagon, une baie, une cocoteraie ou même certaines espèces d’oiseaux ou de taro (un tubercule alimentaire). Sa mise en place permettait soit à un habitat de se régénérer pour ensemencer les zones exploitées par effet de débordement, soit à une espèce d’atteindre une taille optimale avant son exploitation, soit de préserver une ressource pour les périodes de disette ou pour un besoin particulier comme un évènement festif.
La pratique du rāhui est ancienne, puisqu’elle existait déjà avant les colonisations polynésiennes (vers 800 ap. J.-C.). La raison principale de l’imposition d’un rāhui était souvent politique ou religieuse, pour assoir l’autorité d’un chef sur la communauté. Mais l’apparition de ce concept est aussi probablement due à un besoin perçu par la communauté de conserver et exploiter durablement les écosystèmes dans des contextes insulaires aux ressources alimentaires limitées abritant une densité de population importante. On peut imaginer que les communautés ayant mis en place ce genre de mécanismes ont survécu, les autres ayant dû migrer ou s’étant effondrées.
Après l’arrivée des Occidentaux en Polynésie, le rāhui a progressivement disparu au début du XIXème siècle. En cause : la perte de culture liée à la disparition de la population (...)
Rāhui 2.0 : une réussite sociale et environnementale
Dans les années 1980, sur l’île de Rapa, un accès plus facile aux marchés extérieurs avec l’arrivée des congélateurs a entrainé une nouvelle surexploitation des poissons côtiers. Les autorités locales ont alors remis en place un rāhui pour protéger la baie principale de l’île, sur le modèle ancestral. Depuis, ce modèle s’est diffusé au reste de la Polynésie française et de nombreuses communes ont progressivement remis en place des rāhui dans leurs lagons, comme celles de Teahupoo, Teva i Uta, Tautira à Tahiti, mais aussi Ua Huka aux Marquises et Tubuai.
Les nouveaux rāhui mis en place récemment sont hybrides : ils sont gérés par la communauté tout en bénéficiant de la protection juridique du code de l’environnement ou d’une protection officielle par une zone de pêche réglementée. La Direction des ressources marines a également repris le concept du rāhui pour assurer la protection de certaines espèces de poissons, mollusques et crustacés en règlementant la taille minimale des prises pour ces espèces. Cette reconnaissance juridique, par rapport au modèle culturel traditionnel, permet un contrôle par les forces de l’ordre et une répression en cas d’infraction.
L’avantage du rāhui, par rapport à d’autres outils de conservation modernes comme une aire marine protégée ou un plan de gestion de l’espace maritime, réside dans son lien fort à la culture polynésienne qui le rend légitime pour l’ensemble des acteurs. (...)
Depuis les temps anciens, les Polynésiens proposent des réponses afin de surmonter les problèmes auxquels la planète tout entière fait face aujourd’hui, qui sont ceux de la surpopulation et de la surexploitation des ressources. Ce sont des mesures simples de protection, de gestion durable et de partage équitable des ressources naturelles. Ce concept de gestion de la biodiversité marine basé sur des solutions locales, riches de culture et de valeurs communes pourrait offrir une source d’inspiration au reste du monde pour protéger efficacement les océans et en tirer des bénéfices durables.