
Si elle était adoptée, cette loi omnibus bouleverserait le fonctionnement de plusieurs ministères fédéraux. Outre une atteinte directe aux droits fondamentaux des populations migrantes, elle aurait des conséquences marquées pour l’ensemble des personnes vivant au Canada.
Droits réduits et pouvoir arbitraire
Depuis juin, moment de son dépôt, cette proposition de loi a suscité une série de critiques. Celles-ci se concentrent sur deux thèmes : les risques pour la protection de la vie privée des Canadiens et l’attaque frontale aux personnes migrantes, plus spécifiquement en ce qui concerne le respect des garanties procédurales et l’expansion du pouvoir discrétionnaire à l’égard de ces populations.
En matière de migration, ce projet de loi restreint notamment la possibilité de présenter une demande d’asile au Canada ou de voir sa demande évaluée par un tribunal indépendant, en particulier pour les personnes tentant d’échapper au régime d’expulsion des États-Unis par voie terrestre.
Le gouvernement du Canada propose ainsi de s’éloigner encore une fois de ses engagements en matière du droit d’asile et de la Convention de Genève. (...)
Le risque d’émuler des politiques autoritaires
Une chose est claire : ce n’est pas le moment d’imbriquer davantage nos politiques avec celles d’une administration qui glisse rapidement vers l’autoritarisme. Le gouvernement du Canada cherche à affirmer sa souveraineté face aux États-Unis – et pour de bonnes raisons. Pourtant, lorsqu’il s’agit de défendre le droit international en ce qui concerne les personnes migrantes, et en particulier les réfugiés, il garde un silence étonnant. (...)
Jour après jour, notre gouvernement renvoie des personnes et des familles en quête légitime de protection vers un pays dont la politique migratoire repose sur la détention et l’expulsion systématiques des personnes perçues comme des immigrants, même s’ils n’ont aucun casier judiciaire1, même lorsque leur situation administrative est parfaitement régulière – même quand il s’agit de citoyens issus des minorités racisées, comme les Autochtones, ou d’enfants étatsuniens dans des familles à statut mixte.
Une fois arrêtées, ces personnes sont placées dans l’immense et lucratif réseau de centres de détention où les conditions sont brutales et inhumaines (...)
C’est dans ce contexte que le projet de loi C-2 prend forme, et qu’il constitue un risque : celui de mettre le Canada en situation de complicité avec les violations des droits fondamentaux commis par l’administration Trump.
A fortiori, ce projet de loi propose d’accroître les pouvoirs discrétionnaires de l’État tout en affaiblissant les garanties procédurales. Le message ici est que les droits acquis ne sont plus garantis et stables, mais deviennent conditionnels et changeables au gré des vents politiques.
Son approbation, si nous en arrivons là, témoignerait de notre échec collectif à tirer des leçons de l’expérience de nos voisins : il serait imprudent de laisser la porte ouverte à tout abus de pouvoir de la part de gouvernements futurs. (...)
Il faut se méfier d’une « guerre » injustifiée contre les migrants, qui devient un prétexte et un cheval de Troie pour s’attaquer aux droits de chacun et chacune d’entre nous. En défendant les droits des personnes migrantes, et en nous opposant au projet de loi C-2, nous défendons aussi nos droits citoyens