
Les concepts de dette climatique et de dette écologique sont centraux pour réussir la bifurcation écologique. La dette écologique due par les États – plus particulièrement par les plus riches et les grandes entreprises – du Nord aux populations du Sud global doit être reconnue. Cette reconnaissance doit se traduire par l’annulation de la dette des pays des Suds et par des réparations versées par les États du Nord. Ces derniers doivent mettre les plus riches à contribution et assumer la responsabilité du dérèglement climatique et les actes nécessaires et urgents pour limiter au maximum ses conséquences et son aggravation
Sommaire
- Qui est responsable ?
- Les pays du Nord sont historiquement responsables du dérèglement climatique
- Les plus riches et les grandes entreprises sont responsables du dérèglement (...)
- Les pays du Nord impérialistes ont également une dette écologique due à des siècles (...)
Les pays du Nord – principalement les plus riches et les grandes entreprises – ont commis plusieurs crimes. Au Nord, ils ont transformé la force de travail au cours d’un long processus s’étalant sur plusieurs siècles et aboutissant avec la révolution industrielle.
Entre le 16e et le 19e siècles, ils ont mis fin aux biens communaux dans les campagnes, ils ont privé les artisans de leurs outils, organisant un vaste mouvement de dépossession des classes travailleuses pour les forcer à travailler dans de grandes manufactures.
Les classes dominantes d’Europe occidentale se sont lancées à la conquête du monde à partir du XVe siècle en imposant les relations capitalistes marchandes par l’extermination, la réduction en esclavage et l’exploitation coloniale des peuples d’Amérique, d’Asie, et d’Afrique. Elles ont détruit de nombreuses industries locales comme ce fut le cas en Inde aux 18e et au 19e siècle sous la domination britannique, ou en Indonésie sous la domination hollandaise. Cela a abouti à la généralisation de la révolution industrielle dans la première moitié du 19e siècle dans les pays occidentaux de l’Atlantique Nord. Ce mouvement s’est étendu au Japon dans la seconde moitié du 19e siècle. Les classes populaires du Nord ont été forcées à travailler dans des conditions du surexploitation tout au long du 19e siècle et au début du 20e siècle alors que les manufactures utilisant massivement des énergies fossiles fonctionnaient à plein et dégageaient des quantités de plus en plus importantes de gaz à effet de serre.
Les groupes capitalistes dominants ont épuisé les ressources et pollué la planète via l’utilisation à outrance des énergies fossiles, la surproduction, ou encore l’imposition depuis les années 1980 d’une mondialisation néolibérale absurde du point de vue des intérêts des populations du Sud et d’une grande partie des peuples au Nord, et de la préservation de la planète. Ce modèle de mal développement s’est basé sur une agriculture intensive et sur une industrie extractive de matières premières tournée vers l’exportation, les échanges internationaux par porte-conteneurs et par avion, produisant des rejets énormes de déchets et de gaz à effets de serre.
Comme lors d’un procès, les responsables doivent être condamnés et payer des dommages et intérêts à la hauteur des dégâts provoqués.
Les pays du Nord sont historiquement responsables du dérèglement climatique
Le développement du système capitaliste mondialisé par les pays du Nord a été un processus terriblement destructeur. (...)
Il est donc très clair que les pays occidentaux sont grandement responsables du dérèglement climatique et qu’ils continuent à émettre une part très importante des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Ils ont une dette climatique abyssale envers les populations des Suds. Néanmoins, ces pays se caractérisent par d’énormes inégalités de revenus et de patrimoine qu’il faut souligner pour pointer les vrais responsables de la destruction du vivant : les classes dominantes et les grandes entreprises du Nord et les élites des Suds prédatrices.
Les plus riches et les grandes entreprises sont responsables du dérèglement climatique (...)
Les pays du Nord impérialistes ont également une dette écologique due à des siècles d’extractivisme prédateur (...)
Les pays des Suds sont pillés depuis des siècles par le Nord. D’abord via la colonisation, puis via l’usage de la dette comme outil d’asservissement et de pillage des peuples des Suds.
Après la colonisation, et notamment après la crise de la dette des années 1980, de nombreux pays des Suds se sont retrouvés en défaut de paiement. Ils ont alors été contraints d’accepter les conditionnalités du FMI et de la Banque mondiale pour recevoir des prêts de ces institutions et être en mesure de continuer à rembourser leurs dettes.
Ces conditionnalités, qui visaient à faire entrer les pays des Suds dans la mondialisation néolibérale, les ont poussés à accroître la spécialisation de leurs économies dans l’exportation d’une ou plusieurs ressources. Cette spécialisation avait commencé dès les débuts de l’insertion forcée des pays du Sud dans le commerce international dominé par les puissances occidentales européennes à partir du 16e siècle. (...)
Au lieu de produire ce dont les populations ont besoin, l’objectif est de répondre aux besoins des économies les plus industrialisées (Chine comprise) en exportant des ressources agricoles, minières, fossiles, halieutiques, du bois… ainsi que de la main d’œuvre bon marché. Cette logique tournée vers l’exploitation intensive du vivant et l’extractivisme débridé a notamment incité ces pays à abandonner l’agriculture vivrière vectrice de souveraineté alimentaire au profit du développement de grandes monocultures, synonymes d’endettement paysan, d’accaparements de terres, d’exploitation intensive des sols et de perte de biodiversité et de savoirs traditionnels. Spécialisation et exportations effrénées ou attraction des touristes par la construction de complexes de luxe afin d’obtenir des devises qui permettront d’importer et de rembourser la dette : voilà le cercle vicieux dans lequel les gouvernements et les institutions financières du Nord ont plongé les populations des Suds, avec la complicité des élites locales.
Cette exploitation des ressources naturelles imposée par la logique de la dette, prolongement de la logique coloniale, constitue un aspect important de la dette écologique du Nord envers le Sud. (...)
Avec le FMI, la Banque mondiale et les banques de développement, les classes capitalistes, en plus de leur rôle dans les émissions de gaz à effet de serre, portent la responsabilité de la destruction des écosystèmes, de l’accaparement et de l’appauvrissement des terres via la mise en place de monocultures. (...)
Soulignons également le poids que la dette représente dans le budget des pays vulnérables se voyant imposés des taux d’intérêt faramineux. Les pays les plus vulnérables au dérèglement climatique n’ont jamais été aussi endettés depuis 1990. (...)
La dette sert ainsi d’outils de transfert des richesses, tant naturelles que financières, et, en plus d’être à l’origine de désastres environnementaux et écologiques, plombe toutes perspective un tant soit peu sérieuse d’investissement dans la lutte contre le changement climatique et ses effets. (...)