
Du côté des écrivains, la liberté d’expression n’a pas bien vécu la pandémie de Covid-19, qui a participé à un recul des droits démocratiques dans plusieurs pays. Sans surprise, les dessinateurs et dessinatrices de presse ont subi la même situation. Et, si une image vaut mille mots, un dessin peut conduire très rapidement en prison...
2019 avait donné le ton, en quelque sorte. Les organisations Cartoonists Rights Network International et Cartooning for Peace avaient déploré, cette année-là, la décision du New York Times de ne plus publier de caricatures politiques, après une accusation d’antisémitisme à l’égard d’un dessin d’Antonio Moreira Antunes. Une « année noire », selon les deux structures, qui s’est malheureusement prolongée.
Dans un rapport consacré à la période 2020-2022, elles notent ainsi que « la pandémie a initié une période prolongée d’évolutions préoccupantes, encore aggravées par les crises en Afghanistan, au Myanmar, en Russie et en Ukraine ». Sans prétendre à l’exhaustivité, les organisations indiquent que « le nombre de cas d’alerte pertinents par an a presque doublé ».
Les États sans états d’âme
L’une des principales menaces qui pèsent sur la liberté d’expression des dessinateurs de presse reste la censure exercée par les États ou les représentants du pouvoir, qu’elle soit effective a posteriori ou qu’elle se manifeste par une autocensure des victimes elles-mêmes. (...)
La criminalisation du dessin de presse est devenue banale, dans certains pays, puisque « la poursuite judiciaire permet de légitimer a posteriori la détention arbitraire de dessinateurs de presse ». Et offre des outils d’intimidation particulièrement efficaces : l’ouverture d’une enquête préliminaire dissuade, dans un premier temps, avant que le procès et l’éventuel emprisonnement ne « donnent l’exemple ».
Internet et le retour de flamme
Pour faire connaitre et diffuser leur travail, les dessinateurs de presse peuvent s’appuyer sur un outil formidable, les réseaux sociaux. Mais cette exposition les met aussi en première ligne des réactions violentes, irréfléchies et immédiates, voire d’un harcèlement en ligne qui s’est considérablement développé. (...)
Les œuvres diffusées sur Internet et les réseaux sociaux sont surexposées à la critique et à la censure. Pour les dessinatrices de presse en particulier, ce terrain dangereux se double d’attaques misogynes et d’abus sexistes.
La viralité d’un dessin, qui accélère considérablement sa diffusion, peut aussi se retourner contre son auteur, avec le développement des campagnes de dénigrement ou les détournements, comme les fausses Unes de Charlie Hebdo façonnées par la propagande russe. (...)
Seuls contre tous ?
En guise de conclusion, le rapport appelle les médias à soutenir, plus que jamais, le dessin de presse et ceux et celles qui le font, y compris contre les critiques ou les tentatives de censure. Il incite également les principaux intéressés à se syndiquer ou à rejoindre une association professionnelle, afin de disposer d’outils en cas de restriction de la liberté d’expression.
« Les gouvernements doivent clarifier les textes de loi souvent vagues et restreindre le champ d’application de certains instruments juridiques liberticides afin de garantir la sécurité et la liberté d’expression des dessinateurs », précisent les auteurs du rapport. (...)
Enfin, face à l’exil des professionnels menacés, il convient de multiplier les résidences artistiques et journalistiques, pour leur permettre de poursuivre le plus sereinement possible leur travail.
Le rapport complet est accessible ci-dessous. (...)