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observatoire des inégalités/Sébastien Goudeau, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Poitiers
« Dès la maternelle, les élèves de milieux défavorisés prennent moins la parole ».
#inegalites #ecolematernelle
Article mis en ligne le 16 avril 2024
dernière modification le 13 avril 2024

En classe de maternelle, les enfants de milieux favorisés prennent plus la parole que les autres et ils sont jugés plus « intelligents » par les autres élèves. Dans un entretien, Sébastien Goudeau, enseignant-chercheur en psychologie sociale, revient sur deux expériences qui permettent de mieux comprendre comment se forgent, très tôt, les inégalités. (...)

Une part non négligeable des enfants ne parlent quasiment jamais.

Le fait d’interagir avec l’enseignant est fortement lié au milieu social. Nous avons vérifié qu’il ne s’agisse pas d’une capacité plus ou moins grande à s’exprimer : c’est bien le milieu social qui joue et non la compétence, la maitrise du langage. Les enfants favorisés sont davantage socialisés à exprimer leur point de vue et ils ont des expériences culturelles familiales plus faciles à valoriser. Dans la mesure où une grande partie des apprentissages de l’école maternelle repose sur le langage oral, ces différences de contributions orales pourraient limiter les acquisitions des élèves de milieux populaires. (...)

Ils ont déjà intégré que la prise de parole est liée à la compétence. Les élèves qui parlent davantage sont valorisés et se valorisent. Un mécanisme est enclenché car ils prennent encore plus confiance en eux. Les autres intériorisent qu’ils sont moins bons. Les inégalités sont alors amplifiées.

Comment agir face à ces inégalités ? (...)

On pourrait se dire qu’il faut agir sur les inégalités sociales entre les familles, que c’est là où tout se joue, que l’école ne peut pas y faire grand-chose. Je pense que cela n’explique pas tout, que les pratiques des enseignants jouent aussi, de manière non intentionnelle. Par exemple, on sait que les moins favorisés prennent plus de temps pour répondre. L’enseignant aura tendance à passer vite à un autre élève. S’il prend plus de temps, s’il est plus à l’écoute, alors il obtiendra une parole plus diversifiée. La question de la valorisation par l’enseignant des élèves qui prennent la parole se pose aussi. Certains enseignants, par exemple, limitent ces temps de regroupement qui valorisent des enfants déjà valorisés. Nous continuons nos recherches sur ces mécanismes en comparant le mode d’intervention des enseignants, mais on ne peut se contenter d’attendre que les inégalités entre élèves à l’extérieur de l’école changent, on peut aussi agir dans la classe pour modifier l’amplification des inégalités dès les premières années de scolarisation.