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De la rue à la rue, que deviennent les sans-abri évacués ?
#JO2024 #logement #expulsions #squats #iledefrance #migrants #immigration #sansabri
Article mis en ligne le 22 août 2024
dernière modification le 19 août 2024

Il aurait suffi de fermer les yeux une dizaine de jours pour ne rien remarquer. Démantelé le 1er août, le camp de sans-abri s’est déjà reformé dans le square du Krimmeri, à La Meinau. Pourtant, ce jour-là, la préfecture du Bas-Rhin se targuait d’avoir proposé aux 191 personnes des orientations « adaptées à leur situation ».

(...) Parmi eux, Lucian. Ce Roumain de 53 ans a pris le bus et suivi les forces de l’ordre jusqu’au gymnase du Heyritz, lors du démantèlement du 1er août. Ce jour-là, il a reçu un bracelet vert parce qu’il a le droit de séjourner en France, et une feuille avec l’adresse d’un hôtel Formule 1 à Illkirch-Graffenstaden. Il a pu y rester sept jours. « Je ne sais pas ce que je suis censé faire après » (...)

Lucian et Alfredo semblent las. Ils appellent le 115, numéro de l’hébergement d’urgence, tous les jours, en vain. « On a dû trouver de nouvelles tentes, ça sonne comme un cycle sans fin, ces démantèlements, avec toujours des promesses qu’on aura un toit pour être toujours déçu », soupire Lucian. Le 9 septembre, il commence une formation de soudeur pour pouvoir exercer son métier en intérim. « C’est l’agence qui m’a dit qu’il fallait un diplôme particulier, même si je faisais déjà ça en Roumanie. »

D’une tente à La Meinau à une tente à La Montagne verte

(...) Ali, Tchétchène de 42 ans, est en France depuis 2022. Il a passé un mois au camp du Krimmeri avant le démantèlement du 1er août et a refusé l’hébergement qui lui était proposé, hors de Strasbourg.

Soulevant le bas de son pantalon, il montre sa jambe artificielle. « Je ne peux pas aller trop loin, je n’ai plus de jambe », explique-t-il à l’aide d’une application de traduction. Déjà expulsé de France vers la Tchétchénie, il y a été emprisonné pendant treize mois et est revenu malgré tout : « Si je reste en Russie, je vais devoir aller sur le front en Ukraine. Mais je ne veux pas faire la guerre donc je préfère être ici, en Europe, même si c’est sous une tente. Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Il y a la guerre partout et je ne veux pas y prendre part, j’accepte ma situation. » (...)

Sumaya, une adolescente afghane, a obtenu une place dans un centre d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile à Lampertheim, avec sa famille. Mais sa mère, Razzia, est en fauteuil roulant. Pour elle, cet hébergement dans une structure collective est loin d’être adapté. « Aller aux toilettes est impossible, son fauteuil ne passe pas et pour la douche c’est pareil, on doit l’aider à chaque fois », écrit sa fille par WhatsApp, vidéo à l’appui.

Pourtant censé être adapté aux personnes à mobilité réduites (PMR), le centre ne permet pas, selon les jeunes adultes, l’autonomie de leur mère. La famille est à la fois déçue et soulagée. (...)

La famille, originaire d’Afghanistan, n’a a priori rien à faire dans un hébergement pour demandeurs d’asile : ils sont déjà titulaires de titres de séjour pour dix ans. (...)

Également présents au camp du Krimmeri début août, Abdoul, 36 ans, sa femme et ses enfants sont logés dans un appartement du quartier du Neudorf. Le père de famille est satisfait : « Nous avons deux chambres, une cuisine et des toilettes à nous. On nous a dit qu’on pouvait rester longtemps, sans préciser ce que ça signifiait exactement. C’est une bonne solution pour nous. »

Ses trois enfants pourront aller à l’école comme prévu, leur père ayant fait toutes les démarches pour les y inscrire à temps dans les sections appropriées.

Hospitalisation et séparation

Dans son bilan de l’évacuation, la préfecture explique avoir fait prendre en charge deux mineures par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et une personne par l’hôpital. Ces trois femmes sont en réalité de la même famille tchétchène. Elles ont vécu un moment de panique après le démantèlement. La mère a fait un malaise et a été emmenée en urgence à l’hôpital. Ses deux filles, Aïcha, 14 ans et Fatima, 17 ans, ont passé la nuit dans un foyer de l’ASE. Toutes trois avaient au poignet des bracelets rouges, signifiant qu’elles n’avaient pas de titres de séjour.

Elles ont été orientées vers le centre de préparation d’aide au retour de Bouxwiller, après avoir passé les nuits des 3 et 4 août à la rue, car la structure n’accepte pas de nouvelles arrivées le week-end, selon l’association Les petites roues.

Si elles sont rassemblées pour le moment, l’épisode reste traumatisant (...)

Dix-huit autres personnes envoyées au centre de préparation au retour seraient, selon les associations, toutes reparties pour s’installer dans différents campements à Strasbourg. Mercredi 14 août au matin, les familles n’étaient pas dans leur tente à La Montagne verte – beaucoup passent leurs journées dans des accueils de jour, en périodes de vacances scolaires, pour fuir la chaleur.