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Mediapart
Dans les hôtels du 115, des femmes victimes de chantages sexuels se heurtent à la loi du silence
#femmes #agressionssexuelles #115
Article mis en ligne le 4 octobre 2023

Sans argent et souvent sans papiers, les femmes mises à l’abri dans les hôtels d’hébergement d’urgence se retrouvent parfois à la merci des propriétaires hôteliers. Leur vulnérabilité empêche nombre d’entre elles de déposer plainte.

(...) Contacté, Simon Le Coeur confirme. « J’ai eu plusieurs fois affaire à des cas de harcèlement sexiste et sexuel. Ce sont des choses qu’on retrouve assez souvent lors des prises en charge hôtelières. C’est le patriarcat dans toute sa splendeur : des hommes qui ont l’ascendant sur des femmes sans papiers et sans ressources », expose celui qui est aussi secrétaire général de la CGT du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris.

Pour lui, ces violences sont une preuve supplémentaire de l’absurdité du recours massif aux hôtels de tourisme pour l’hébergement d’urgence : « On finance des marchands de sommeil doublés de harceleurs avec de l’argent public ! Pour faire vivre des familles dans 12 mètres carrés… C’est l’enfer ! » (...)

Malgré les deux mains courantes, « la mise en place du confinement en mars 2020 n’a pas permis au Samusocial de convoquer l’hôtelier dans la foulée », expose son service de communication. Pour seule suite, l’organisation assure avoir mis en place « une veille accrue sur l’établissement » et indique qu’aucun autre signalement n’aurait été recueilli depuis 2020.

Lors de la visite du Samusocial, Myriam demande à changer d’hôtel. « On ne dormait pas la nuit. Ma fille grandissait, elle risquait de se faire harceler à son tour. Et ça, c’était hors de question ! » La famille est finalement transférée dans un hôtel du XIIIᵉ arrondissement. « Mais les autres femmes, elles, ont continué de subir son comportement », déplore cette mère de famille qui a quitté la Tunisie pour « fuir [s]on mari » en 2016. (...)

Des adolescentes victimes d’un système de prédation (...)

Dans certains hôtels, l’équipe d’enquête découvre que des familles prises en charge par le 115 vivent parfois dans des lieux de passes : le Samusocial occupe les étages tandis que les chambres du rez-de-chaussée servent à la prostitution. « Dans ces circonstances, c’est évident que si une famille du Samusocial a des problèmes financiers, l’hôtelier va lui dire : “J’ai une solution pour toi.” On est sur des problématiques de prostitution et de traite d’êtres humains dans des lieux financés par l’État, c’est un scandale », dénonce la sociologue. (...)

rares sont les acteurs de terrain qui s’expriment sur le sujet. (...)

l’hébergement d’urgence est en crise. Alors, face à ces récits de chantage, le 115 se retrouve face à un dilemme : continuer d’héberger des femmes dans ces hôtels au risque qu’elles subissent des violences ou les laisser dans la rue. (...)

En 2019, lorsque les résultats de l’enquête ont été remis à tous les financeurs, Armelle Andro a été auditionnée à l’Assemblée nationale. « J’aurais balancé un caillou dans un puits, c’était pareil. Des élus, des responsables associatifs disaient : “Oui, oui, mais le mieux ça aurait été qu’elles ne soient pas venues en France.” » Pour les dirigeants, résume-t-elle, amère, « il y a toujours cette idée que c’est déjà bien qu’elles aient un toit ».