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Mediapart
Dans le nord d’Israël, la menace incontournable et quotidienne du Hezbollah
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #hezbollah
Article mis en ligne le 8 juin 2024
dernière modification le 6 juin 2024

Pour les personnes évacuées du nord d’Israël, et encore plus pour celles qui sont restées à portée des missiles venus du Liban, la vie quotidienne s’est brisée et le temps est suspendu à une guerre élargie qu’elles redoutent et désirent tout à la fois.

(...) « Je suis née à Jérusalem, mais c’était un rêve de venir ici, au milieu des oiseaux migrateurs et de la nature. Mais nous avons dû partir dès le 9 octobre. Et depuis, cela n’arrête pas de tomber », dit-elle en levant les yeux au ciel, où des explosions de missiles du Hezbollah interceptés par le Dôme de fer se font entendre toutes les dix minutes environ.

Elle ramène ensuite son regard sur son smartphone, où une application téléchargée par tous les habitants et habitantes du nord du pays permet de savoir avec précision où les tirs se produisent. Si l’alarme se déclenche, « on a alors entre dix et quinze secondes pour rejoindre la pièce forte de la maison ou se coucher au sol si on est dehors loin d’un abri » (...)

Son kibboutz se trouvant à 1 200 mètres des zones officiellement considérées comme à évacuer par le gouvernement, Ella Dor n’a pas eu droit à l’indemnisation quotidienne de 200 shekels par adulte et 100 shekels par enfant (50 et 25 euros) allouée par le gouvernement à toutes les personnes contraintes de fuir le nord. (...)

« Pourtant, nous aussi sommes sous la menace quotidienne des tirs, poursuit Ella. Et toute notre vie ici a été déstructurée. Nous allions au supermarché, à la pharmacie, voir le médecin à Kiryat Shmona, qui est une ville désormais presque fantôme. Ici, l’école et le collège n’ont repris qu’à mi-temps. J’ai perdu presque la moitié de mes élèves. Mes frères ont dû m’aider financièrement. On n’entend plus les enfants jouer dehors car c’est désormais interdit, ils doivent rester à proximité des abris. La moitié des personnes qui sont parties ne sont pas encore revenues et une partie ne reviendra sans doute jamais. Si j’avais eu l’indemnisation, je ne serais pas rentrée. »

Inquiétudes et appréhension

Le retour d’Ella dans sa maison ne s’est pas fait sans appréhension pour sa sécurité et celle de sa fille. « Mais c’est vrai qu’on s’habitue. Pour l’instant, ce n’est pas une véritable guerre, cela ressemble au harcèlement d’un moustique qui ne cesse de te tourner autour et dont tu ne sais pas comment il va attaquer. Mais quand ce sera la vraie guerre, nous risquons de devoir partir pour de bon. »

Pense-t-elle qu’un affrontement majeur avec le Hezbollah est inévitable ? « Malheureusement oui, répond Ella. On ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas vivre constamment sous la menace. On devient tous fous. »

Va-t-elle jusqu’à vouloir cet affrontement ? « C’est une question difficile. Mais je ne vois pas d’autre option. Ce qui me fait peur, c’est que si cette guerre avec le Hezbollah arrive, ce sera une guerre régionale et il n’y aura plus d’endroit sûr où aller. »

D’autant, ajoute cette ancienne sympathisante du parti de gauche Meretz, qu’elle n’a « aucune confiance dans le gouvernement actuel (...)

Un pacte à la fois tacite et fondamental lie la société israélienne à l’État. Il prévoit que chaque famille, à l’exception des ultra-orthodoxes, enverra pendant trois ans ses enfants au service militaire et prendra le risque de les voir périr en période de guerre, à la condition que le maximum soit fait pour les protéger et les ramener à la maison s’ils devaient être faits prisonniers.

Comme beaucoup d’Israélien·nes, Gilanit Reef Amar dénonce la double rupture de ce pacte, en raison de la faillite sécuritaire du 7 octobre qui a coûté la vie à des centaines de soldat·es et de la priorité donnée à l’écrasement de Gaza sur la vie des otages. Mais sa détestation de l’actuel gouvernement ne l’empêche pas de soutenir la décision de sa fille. (...)

Est-elle encore capable de faire une distinction entre le Hamas et les Palestinien·nes alors que Tsahal tue chaque jour aussi des femmes et des enfants ? « Je vais vous dire quelque chose de très dur, répond-elle. Quand je vois une mère offrir des bonbons à son fils terroriste ou des foules hurler de joie en voyant les voitures qui ramenaient les otages à Gaza, je ne fais pas vraiment de différence. Il reste sûrement quelques personnes qui veulent la paix, mais on ne les entend guère. »

Les bribes de la vie d’avant

En octobre dernier, Gilanit a quitté le kibboutz après y avoir enterré son fils, mais seulement pendant un mois. « Ceux qui sont partis sont ceux qui en avaient les moyens ou qui avaient particulièrement peur parce qu’ils avaient des enfants petits. Mais pour moi, c’est impossible de partir, surtout au moment où nous sommes attaqués. Si on abandonne les kibboutz, c’est une grande partie de l’existence d’Israël qui sera remise en cause. » (...)