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Mediapart
Dans la rue, les syndicats entament doucement le bras de fer avec le gouvernement Barnier
#Barnier #manifestations #syndicats #sanspapiers
Article mis en ligne le 2 octobre 2024

Pendant que le premier ministre prononçait son discours de politique générale, les syndicats ont battu le pavé, réclamant l’abrogation de la réforme des retraites et la hausse des salaires. Dans la foule clairsemée, des militants syndicaux fatigués et inquiets.

Ils l’avaient annoncé depuis plusieurs semaines, ce mardi 1er octobre devait être la manifestation phare de cette rentrée sociale. Ils l’avaient prévu pour le début des débats budgétaires. Elle a finalement eu lieu lors du discours de politique générale du premier ministre à l’Assemblée nationale.

D’une même voix, la CGT, FSU, Solidaires et quelques syndicats lycéens et étudiants (dont l’Unef et l’Union syndicale lycéenne) comptaient dénoncer dans la rue le déni de démocratie qui a suivi les élections législatives de juillet dernier, exiger le retrait de la réforme des retraites, celle de la réforme de l’assurance-chômage, mais aussi une hausse des salaires et des pensions. En somme, les syndicats s’étaient donné pour objectif de remettre les questions sociales au cœur des préoccupations politiques.
Pas d’illusions sur l’état des forces

Mais pas sûr que ce jour de mobilisation porte bien loin les voix des travailleurs et travailleuses puisque le cortège parisien était clairsemé, surtout composé de militant·es et de responsables syndicaux. (...)

Manès Nadel, président de l’Union syndicale lycéenne, constate qu’il n’y a pas foule. Pour le militant lycéen, ce n’est pas sans lien avec le traitement médiatique de l’actualité politique : « Il y a de l’apathie, on le sent. […] En permanence, les médias dominants nous expliquent que la gauche fait tout mal et que ce qui se passe actuellement, c’est tout à fait normal. »

« Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau. 190 mobilisations dans toute la France, c’est une mobilisation qui est à la hauteur des journées d’action de ce type, se défend Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Cependant, sur les lieux de travail, il y a une grande fatigue démocratique et sociale des salariés. Ils ont le sentiment que se mobiliser dans la rue ou dans les urnes, ça ne sert plus à rien. » Et de citer des mobilisations sectorielles du syndicat qui ont permis des augmentions de salaires, notamment pour les métiers de l’action sociale ou encore pour les cheminot·es. (...)

toutes sont unanimes : des amendements à la marge ne suffiront pas, ils veulent l’abrogation.
Une intersyndicale sans la CFDT

Bien que partageant des constats sur la nécessité d’abroger la réforme des retraites, ni Force ouvrière, ni la CFE-CGC, syndicat des cadres, ni la CFDT n’ont été de la partie. Une intersyndicale amputée qui détonne avec l’union affichée lors du mouvement de contestation face à la réforme des retraites. (...)

En sortant de Matignon mardi 24 septembre, la numéro un de la CFDT s’était en tout cas dite satisfaite de la « rencontre constructive » qu’elle venait d’avoir avec le premier ministre, qu’elle a jugé « très attentif » sur les « attentes importantes des travailleurs et travailleuses, sur les enjeux de pouvoir d’achat, sur le travail et sur la transition écologique ».

Sophie Binet aussi a été reçue par Michel Barnier. Denis Gravouil, membre du bureau confédéral du syndicat, était également présent. Il décrit auprès de Mediapart un premier ministre soucieux de se montrer « très sympathique », un rendez-vous « cordial mais sans réponses ». « Nous, on n’était pas là pour boire le thé. Nous avions des revendications précises à porter », indique Denis Gravouil. Il énumère : « Un coup de pouce au Smic, des moyens pour l’hôpital et l’éducation ; l’abrogation de la réforme des retraites, l’assurance-chômage... Plein de sujets mais pas de réponses ! » (...)

Dans le cortège, tous les soignants éprouvent la même inquiétude : que ce gouvernement continue de chercher à faire des économies sur le dos des services publics, alors que nombre d’entre eux sont déjà à l’os, à commencer par l’hôpital. (...)

Les enseignant·es ne disent pas autre chose. Cédric, professeur d’informatique en lycée et membre du syndicat SNUipp, ne se résigne pas pour autant. « Je suis syndicaliste, donc je suis obligé de continuer à croire que la lutte paye, sinon on laisse tout faire et on attend gentiment que l’extrême droite arrive au pouvoir pour terminer la destruction du modèle social français. Eh bien non. »

Sa collègue a ses côtés, professeure également, hoche la tête. « Ils ont volé le pouvoir et ils vont en profiter pour continuer à casser la fonction publique pour tout vendre à la découpe » (...)

Des travailleurs sans papiers inquiets

Dans le cortège, les pancartes et les messages inscrits sur les chasubles disent l’inquiétude des habitué·es du mouvement social : le déni de démocratie, la destruction du service public, la stagnation des salaires quand les profits augmentent.

Et puis, au milieu du cortège, une dizaine d’autres manifestants portent une autre urgence : « Nous sommes des travailleurs sans papiers et sans droits, et ce gouvernement nous inquiète beaucoup », souffle El Hadji Dioum, représentant du collectif des travailleurs sans papiers de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et préparateur de commandes pour l’entrepôt DPD France du Coudray-Montceaux dans l’Essonne.

Depuis trois ans et sans relâche, ils dénoncent « l’exploitation des sans papiers » et ont dû lutter de longs mois pour que ce sous-traitant de La Poste leur accorde les documents leur permettant de demander la régularisation par le travail. Ils sont de toutes les manifestations, de toutes les grèves, reconnaissables à leurs larges banderoles jaunes.

« On suit beaucoup l’actualité politique, assure El Hadji Dioum. Et pour nous, la nomination de Bruno Retailleau, c’est une catastrophe. » Et en effet, le nouveau ministre de l’intérieur a enchaîné les déclarations contre les immigré·es dès sa prise de poste, toutes plus violentes les unes que les autres. « On aimerait lui rappeler que, comme beaucoup d’autres immigrés, nous sommes des travailleurs. […] D’ailleurs, travaillant ou pas, tous ceux qui vivent sur le sol français participent à la vie de ce pays, devraient avoir le droit à la régularisation. »

Ce n’est sûrement pas le projet de Michel Barnier qui, lors de son discours de politique générale, a encore flatté l’extrême droite et son électorat, actant comme l’un des chantiers prioritaires de ce gouvernement celui de la « maîtrise de l’immigration ».