
Avant l’âge de 3 ans, c’est zéro écran pour les enfants. Anne-Lise Ducanda, médecin cofondatrice du Cose (collectif surexposition écrans) est soulagée que ce message ait été entendu par la ministre de la Santé. Catherine Vautrin qui a annoncé le 15 juin une campagne de sensibilisation mais aussi la publication « dans les toutes prochaines semaines d’un arrêté interdisant les écrans dans les lieux d’accueil des enfants de moins de 3 ans ». Si c’est déjà le cas dans beaucoup de crèches, ça ne l’est pas forcément dans toutes les haltes garderies ou aux domiciles des assistantes maternelles.s
Pour informer les parents, la médecin recommande que ce message soit matraqué pendant quelques mois, avec la même intensité que les messages sur les gestes barrières lors du Covid. Car il y a urgence. Au sein de sa consultation spécialisée dans la prise en charge des enfants surexposés aux écrans, près de Bordeaux, elle voit des enfants avec des retards de développement, des troubles du langage et du comportement. « Je vois des enfants de 4 ans qui ont le même niveau de développement que des bébés de deux mois », alerte-t-elle. Parmi eux certains sont si accrocs qu’ils se frappent la tête au sol quand on leur retire les écrans.
Le risque pour les parents ? Ce n’est ni une amende comme à Taïwan ou une autre sanction mais un petit enfer domestique. Les enfants surexposés ne supportent aucune frustration et ont des difficultés à l’école.
Un message plus clair pour des parents mieux informé (...)
Après le compte rendu de la commission écrans le 30 avril 2024, qui recommandait notamment de ne montrer aucun écran avant 3 ans, tout s’était arrêté, dissolution oblige. Avec l’annonce d’un arrêté imminent, le gouvernement reprend en main le sujet.
S’il y a un large consensus scientifique sur la nocivité des écrans, qui s’appuie sur des milliers d’études qui montrent leurs effets délétères sur le développement de l’enfant, quelques voix dissonantes brouillaient le message. « On entendait qu’on ne pouvait pas interdire, qu’il fallait éduquer, qu’il y a des aspects positifs, rapporte le docteur Ducanda. Ou encore l’argument selon lequel : "Il faut que l’enfant vive avec parce qu’il va vivre avec plus tard." »
Autant de minimisations qu’il faut battre en brèche pour mieux informer les parents, dont il n’est pas question de pointer la responsabilité, dans une société hyperconnectée où tout le monde baigne dans les écrans. Ils se font piéger par des faux messages, pensant que leurs enfants apprennent à compter, parler grâce à des comptines ou des jeux « éducatifs ». « Il répète mais c’est du faux langage », insiste-t-elle.
Respecter les besoins de son enfant
« Il faut revenir aux besoins fondamentaux du bébé, pointe cette médecin. Il ne peut pas se développer s’il n’a pas d’interactions riches fréquentes et de qualité avec ses parents ou sa personne de référence et s’il n’explore pas le monde réel en trois dimensions avec tout son corps et tous ses sens. Les études de neurosciences le montrent. » (...)
« Cela fait huit ans qu’on éduque aux écrans et cela ne suffit pas : il faut éduquer et interdire », insiste-t-elle. Et même si l’interdiction n’est pas sans faille (pas plus que ne le sont les lois sur le port de la ceinture et l’interdiction de consommation d’alcool pour les mineurs), il faut à tout prix faire de la prévention.
Formation des personnes en contact avec les enfants (...)
Son ordonnance : arrêter les écrans et sortir tous les jours dans la nature. Alors qu’avant le Covid les symptômes liés à la surexposition étaient réversibles en quelques mois, elle observe qu’aujourd’hui plusieurs années de désintoxication sont nécessaires, pour les cas les plus sérieux. « Et il y a encore des cas où la réversibilité n’est pas complète », déplore-t-elle.