À l’occasion du sommet franco-allemand sur la souveraineté numérique européenne, le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL), co-signataire, avec plus d’une centaine d’organisations et de personnalités, de la lettre ouverte initiée par son partenaire européen l’APELL, appelle les dirigeants français et allemands à dépasser les déclarations de principe pour adopter une véritable politique industrielle numérique. Face à une vulnérabilité stratégique qui nous coûte plus de 265 milliards d’euros par an et nous expose aux lois extraterritoriales de puissances étrangères, l’heure n’est plus au diagnostic mais à l’action décisive.
La situation est simple : l’Europe est devenue, faute de politiques adéquates et suite à une "corruption des esprits" de nos dirigeants, une colonie numérique. Nos administrations, nos entreprises et nos infrastructures critiques dépendent massivement de technologies développées et contrôlées hors de nos frontières. Croire que la simple localisation des données sur notre sol constitue une protection est une illusion dangereuse. La véritable souveraineté numérique ne se résume pas à la souveraineté des données ; elle exige l’autonomie technologique. Sans la maîtrise, notamment, du code qui gère nos données, nous ne sommes pas souverains, nous sommes des locataires sous surveillance.
Le CNLL affirme que cette autonomie technologique a un nom : le Logiciel Libre et l’Open Source. Il est le seul modèle à offrir des garanties fondamentales : le contrôle total et la réversibilité, qui empêchent tout verrouillage propriétaire ; et une sécurité vérifiable, issue de la transparence de son code. Ces caractéristiques en font le seul rempart efficace contre la menace d’un « kill switch » contrôlé par une puissance étrangère. Cette approche n’est pas un pari sur l’avenir, mais une réalité déjà à l’œuvre : de nombreuses organisations publiques et privées, en choisissant des logiciels libres européens, ont déjà atteint cette autonomie tout en générant des gains de productivité. C’est pourquoi l’Open Source n’est pas une simple option à considérer, mais bien le fondement stratégique indispensable de toute politique de souveraineté crédible.
Cependant, le CNLL insiste sur le fait que la souveraineté ne sera complète qu’en soutenant activement notre propre écosystème. Il ne suffit pas d’adopter de l’Open Source ; nous devons donner la priorité à l’Open Source Européen : des solutions dont le développement, la gouvernance et la communauté sont ancrés en Europe, et dont la valeur économique irrigue notre propre tissu industriel.
C’est pourquoi le CNLL demande au gouvernement français et à ses partenaires européens d’adopter un principe politique clair et puissant, qui transforme la commande publique en un levier d’investissement stratégique : « Argent Public, Code Public ; Priorité à l’Open Source ; Préférence Européenne ». (...)