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« Corps usés, droits bafoués » : plongée dans l’enfer des ateliers de Shein
#fastfashion #Shein #exploitation #pollution #sexisme
Article mis en ligne le 18 août 2025
dernière modification le 15 août 2025

Exploitation, salaires à la pièce, violences sexistes... Un rapport de deux ONG révèle l’envers du décor des ateliers de Shein en Chine. Le rapport exhorte les élus français à voter une loi solide contre la fast-fashion.

Précarité, exploitation, violences sexistes... L’enquête sous couverture de l’ONG étasunienne China Labor Watch (CLW), publiée le 30 juillet, accable un peu plus le groupe chinois Shein, déjà étrillé par de nombreux rapports sur les conditions de travail dans ses sites. (...)

À Kangle, les ouvrières et ouvriers sont aussi les amortisseurs de la demande mondiale et des guerres commerciales. Shein maintient un regard attentif sur la demande en vêtements. Il suffit qu’elle baisse pour que des milliers de travailleurs soient mis à la porte. À l’inverse, si elle augmente, les ouvriers devront travailler plus, comme ce fut le cas en anticipation des droits de douane imposés par l’administration Trump.

« La production a fortement augmenté à Kangle entre décembre 2024 et février 2025. Durant cette période, de nombreux travailleureuses ont déclaré avoir travaillé 7 j/ 7, plus de dix heures par jour », indique ActionAid France.À Kangle, les ouvrières et ouvriers sont aussi les amortisseurs de la demande mondiale et des guerres commerciales. Shein maintient un regard attentif sur la demande en vêtements. Il suffit qu’elle baisse pour que des milliers de travailleurs soient mis à la porte. À l’inverse, si elle augmente, les ouvriers devront travailler plus, comme ce fut le cas en anticipation des droits de douane imposés par l’administration Trump. (...)

Pendant deux ans, trois membres de l’ONG ont travaillé dans l’un des nombreux ateliers produisant notamment pour Shein, à Kangle, un village-usine très dense (plus de 100 000 personnes sur 1 km²) dans la métropole de Guangzhou, en Chine. Une cinquantaine de témoignages, à l’intérieur et à l’extérieur des ateliers, leur a permis de faire directement état de la réalité sur place : cadences intenables, salaires à la pièce, absence de protection sociale et de stabilité...

« C’est un assèchement des ressources des individus au service du profit de Shein », déplore Salma Lamqaddam, chargée de campagnes d’ActionAid France, qui a travaillé avec l’ONG étasunienne sur ce rapport. (...)

Tristement connue comme la reine de ce domaine, l’entreprise chinoise qui expédie chaque jour par avion 5 000 tonnes de marchandises bafoue les droits humains et émet toujours plus de gaz à effet de serre (+23 % entre 2023 et 2024, selon son dernier rapport). Et ce, en toute opacité. (...)

0,06 euro par t-shirt

« Un simple coup dur, une maladie suffirait à me faire basculer moi et ma famille dans l’endettement », confie un travailleur à une enquêtrice de China Labor Watch. Dans ces usines, les travailleurs, dont certains encore mineurs, forment une « main-d’œuvre jetable, prise au piège de la misère », décrit ActionAid France, qui dresse un effrayant tableau du lieu.

Ici, le salaire est versé à la tâche : entre 0,06 et 0,27 euro par pièce réalisée. Les personnes interrogées confient devoir enchaîner les heures pour espérer « survivre dignement ». Les cadences se prolongent parfois jusqu’à 3 ou 4 heures du matin.

Les plus petits ateliers échappent le plus aux contrôles : « C’est là qu’on trouve les pires conditions de travail et c’est par là que prospère Shein avec son modèle du bas coût à tout prix », précise Salma Lamqaddam. (...)

À Kangle, les ouvrières et ouvriers sont aussi les amortisseurs de la demande mondiale et des guerres commerciales. Shein maintient un regard attentif sur la demande en vêtements. Il suffit qu’elle baisse pour que des milliers de travailleurs soient mis à la porte. À l’inverse, si elle augmente, les ouvriers devront travailler plus, comme ce fut le cas en anticipation des droits de douane imposés par l’administration Trump.

« La production a fortement augmenté à Kangle entre décembre 2024 et février 2025. Durant cette période, de nombreux travailleureuses ont déclaré avoir travaillé 7 j/ 7, plus de dix heures par jour », indique ActionAid France. (...)

Des ouvrières « impuissantes face aux abus »

Les femmes sont particulièrement fragiles dans ce monstre industriel qui recrache « des corps usés, et des droits bafoués ». « Il s’agit d’un enjeu féministe central : ce sont dans ces ateliers, en bout de chaîne, que se concentre une main-d’œuvre majoritairement féminine, surexploitée et privée de droits. Dans ces espaces dépourvus de mécanismes de protection, les violences de genre représentent des outils de contrôle et d’intimidation systémiques », précise ActionAid France.

Les femmes y sont souvent moins rémunérées, cantonnées aux postes les plus précaires. Certaines sont dans l’obligation d’emmener leurs enfants au travail, faute d’alternative.

Des ouvrières rapportent également « subir des violences sexistes et sexuelles dans les ateliers, en particulier des violences verbales », note ActionAid France. Sans contrat ni protection, ces travailleuses se disent « impuissantes face aux abus ».
L’espoir d’une véritable loi anti-fast-fashion

Pour mieux contrôler la fast-fashion, ActionAid France appelle les élus français à voter une loi solide en septembre prochain, lorsqu’ils se réuniront en commission mixte paritaire pour discuter du sujet.

La loi anti-fast-fashion votée le 10 juin n’est pas suffisante, déplore l’ONG. Ambitieuse à l’origine, la loi a notamment été vidée par les sénateurs de toute critique globale puisqu’elle épargne les marques de fast-fashion européennes, comme Kiabi et Decathlon. (...)

En se contentant de celle-ci, « la France risque de rater une occasion historique », met en garde le rapport. « La présente loi consacre la victoire du fast-fashion européen, dénonce Salma Lamqaddam, c’est un non-sens écologique. »